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On réveillonne en famille…. Autour de l’arbre de Noël dont les branches plient 
sous le poids des « surprises », des rires juvéniles éclatent, de petites mains battent 
gaiement. Et, dans
 cette nuit d’allégresse, ces milliers et ces milliers de fenêtres 
qui rougeoient à l’infini mettent une jolie note d’intimité.   

La  plus  vive  surprise,  aura  été  procurée  par  les  quartiers  du  Vieux  Paris, 
notamment par la cité.    

Vous  vous  rappelez  cet  épisode  de Notre-Dame  de  Paris,  le  roman  de  Victor 
Hugo ; le pauvre poète Gringoire, dont le « mystère » représenté dans la Grande 
salle du palais de justice n’a obtenu aucun succès, s’en va tout déconfit, l’estomac 
et la bourse vides. C’est un soir de janvier 1482 ; la nuit est déjà tombée. Et le 
voilà errant dans les ruelles de la Cité et aux alentours du Pont-au-Change. Une 
à une les maisons se ferment, les dernières chandelles s’éteignent. Pas le moindre 
lumignon, plus rien que les ténèbres. Si bien que de venelles en culs-de-sac et de 
carrefours en pattes-d’oie, l’infortuné finit par se perdre et se fourvoyer dans la 
Cour des Miracles.   

Car en ce temps-là Paris – même le soir de Noël – n’était pas éclairé du tout. Et 
pendant des siècles encore, la capitale souffrira de ce manque de lumière, si bien 
que, à la veille de la révolution, une instruction du lieutenant de police, relative 
précisément à la nuit de Noël, prescrivait aux exempts de se tenir aux abords des 
églises,  munis  de  lanternes,  afin  de  remédier  « aux  désordres  résultant  de 
l’obscurité », au sortir de la messe de minuit.    

Quel abasourdissement chez le bon Gringoire, s’il revenait parmi nous justement 
une  nuit  de  réveillon,  lui  qui  fut  toujours  affamé !  La  Tour  carrée,  les 
moyenâgeuses  ogives  du  Palais  de  Justice  resplendissent  sous  les  jets 
phosphorescents  des  candélabres  électriques  et,  baignés  dans  cette  blancheur 
éblouissante,  prennent  un  aspect  fantastique  et  irréel.  Et,  des  hauts  des  tours 
Notre-Dame,  les  gargouilles  à  figures  de  démons  ou  de  bêtes  d’Apocalypse 
contemplent fixement de leurs yeux de pierre le cadran géant du campanile de la 
gare de Lyon, qui brille, semblable à un astre énorme flottant à ras de terre !  

Plus clair, toujours plus clair ! Tel semble être le mot de cette époque.  

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