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Le pape en réchappe mais meurt peu après.
L’Histoire n’a pas à juger les hommes, mais à constater des faits et des
comportements.
Elle ne peut cependant refuser de gratifier Boniface VIII d’une sorte de grandeur, en
dépit de ses travers et de ses outrages.
Il avait essayé, pour la dernière fois dans l’histoire de l’Eglise, de faire prévaloir la
thèse de l’Imperium mundi, d’imposer la suprématie du Saint-Siège.
Mais les rois de la fin du XIIIème siècle n’acceptaient plus d’être vassalisés par Rome.
Il s’était trompé d’époque. Son anachronisme fondamental expliquait son échec.
Il mourrait pape, mais vaincu.
C’était le grand rêve de l’Eglise que l’on ensevelissait avec lui.
La mort de Boniface VIII après l’attentat causait un énorme scandale.
Jusqu’ici la fille aimée de l’Eglise avait toujours défendu les pontifes ; elle venait de
provoquer la perte de l’un d’eux.
Pour se donner bonne conscience et se rédimer, Philippe le Bel salissait sa mémoire.
Il avait même résolu de le faire juger à titre posthume.
Le conclave élut celui qui prit le nom de Benoit XI. Un pondérateur.
Il convenait de sortir au plus vite l’Eglise de l’impasse où le défunt pape l’avait jetée
par ses excès et sa présomption.
Benoit XI fit une analyse objective de la situation, pesa le pour et le contre et prit un
temps de réflexion.
Philippe le Bel s’empressa de lui envoyer Nogaret (il aurait pu mieux choisir son
ambassadeur).
Benoit XI ne pouvait pardonner à l’auteur de l’attentat, fût-il un simple exécutant,
les cruelles humiliations infligées à son prédécesseur. De surcroit Nogaret réclamait,
au nom de son maître, la réunion d’un concile pour juger Boniface VIII à titre
posthume, et le condamner.