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paradis. Il allume à son tour un cierge avant de venir se
placer à côté du drôle de paroissien, qui d’un signe de tête
autoritaire lui fait signe d’avancer vers le confessionnal.
Raide comme la justice, l’autre passe devant lui et dé-
pose son cierge sur un grand bougeoir destiné aux pèle-
rins. D’un signe discret de la main, il invite Alexandre à
faire de même. Le confessionnal est exigu et il est bien
obligé de s’agenouiller sur un coussin posé sous une pe-
tite fenêtre munie d’un rideau noir qui sépare le pénitent
de son confesseur muet.
Le temps passe et toujours rien. Alexandre ne dit
rien non plus. Soudain, une voix feutrée parlant le fran-
çais avec un fort accent corse, sort de derrière le rideau
Alexandre se pince les lèvres pour ne pas éclater de
rire tant la situation est drôle, on dirait la voix de Tino
Rossi chantant petit papa Noël !
– Excusez ma surprise, vous êtes Corse ? J’ai cru que
vous étiez muet !
– Et alors … Tu as quelque chose contre les muets ?
– Non … Non … J’aime beaucoup les Corses !
– Tu te fous de moi ?
– Non ! Mais si on continue comme ça on ne va pas
y arriver !
– Je déteste les fouineurs dans ton genre !
Le claquement sec de la porte du confessionnal dérange
le recueillement des fidèles. Alexandre, pris de panique,
fait le tour et remarque, sur le prie-Dieu de l’autre côté
du rideau un mot à son intention : « soyez dans l’église
près des ex-voto aux Vêpres, le frère Rosario vous conduira
jusqu’à moi ».
Il n’en revient pas, ça y est, il est branché.
surprise, l’employée lui remet une enveloppe contenant
un message. Il file au bar, commande un San Pellegrino
et manque de s’étouffer avec une olive.
Il est écrit : « Chapelle Santa Caterina, six heures du
matin devant les ex-voto des marins, un cierge allumé
à la main ».
Il ne s’attendait pas à recevoir ce genre de rendez-vous
de la part d’une organisation criminelle redoutée.
On ne peut pas dire qu’il y ait foule dans la chapelle des
Pères blancs. On y croise sur le parvis des petites ma-
mies fragiles, habillées de noir, trottinant dans la nef le
dos voûté. Elles semblent venues là pour l’enterrement
d’un plus vieux ou d’une plus vieille, s’excusant presque
d’être en sursis dans ce monde de vivants.
Entrant dans la nef, Alexandre remarque tout de suite,
dans une des niches faiblement éclairées, la statue d’une
madone noire, signe qu’il se trouve bien devant la sainte
protectrice des marins. L’ensemble est doucement éclairé
par des bougies et des cierges de différentes tailles instal-
lés en arc de cercle. Du plafond descendent des dizaines
d’ex-voto qui représentent des maquettes de bateaux de
pêche, et au sol de multiples petites plaques de marbres
comportant des suppliques et des remerciements pour
la protection d’un père ou d’un fils.
L’homme est bien là, dans une immobilité totale, telle
une apparition, un cierge allumé qu’il tient entre ses deux
mains, en prières.
Alexandre a envie de lui dire qu’avec une âme noire
comme du charbon il n’a aucune chance de monter au