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mafia et le pouvoir. Un domaine dangereux, mais un bon 
client pour la presse et donc pour son journal qui en fait 
ses choux gras. Certaines révélations ont valu à Marco 
d’être mis au placard par la direction pendant plusieurs 
mois et s’il n’avait pas lui-même été protégé par la po-
lice, il aurait sans doute été l’objet d’un contrat, lâche-
ment buté dans le dos par un de ces motards porteurs 
de flingues surgissant de nulle part, et qui en quelques 
secondes sèment la mort sur leur passage.

Surpris par ces aveux, Alexandre croit déceler une pointe 
de défaitisme chez son ami :

– Marco, on se connaît assez pour ne pas se faire de 

cachotteries, est-ce que tu te sens menacé ?

– Un journaliste menacé par la Mafia, ce n’est pas 

nouveau, mais oui, je me sens menacé d’être poussé de-
hors par ma direction. J’ai un mois pour restructurer 
mon journal.

– Est-ce que je peux t’aider ?
– Mes lecteurs veulent du nouveau, un traitement 

différent une présentation, et une écriture nouvelle !

– Je ne suis pas éditorialiste, mais si tu m’épaules je 

veux bien essayer.

– Tu te souviens lorsque tu es venu me voir la pre-

mière fois pour ton roman sur la Mafia ?

– Oui, nous devions rencontrer un des chefs de clans 

et il avait annulé au dernier moment !

– J’ai un contact local avec l’organisation.
– Tu peux m’en dire plus ou c’est encore trop tôt ?
– Je peux organiser la rencontre, mais après ce sera 

à toi de jouer.

Alexandre retrouve Marco qui termine une conférence 

de rédaction. Après lui avoir présenté ses collaborateurs 
du journal, ils filent tous les deux déjeuner dans une des 
trattoria familiale qui servent de cantines à tous les gens 
qui travaillent dans le quartier. Marco n’est pas du style 
à avoir son rond de serviette dans un restaurant attitré, 
il déjeune chez l’un ou chez l’autre à tour de rôle selon 
son humeur et le jour de la semaine, quand arrive la fin 
du mois, il a fait le tour de tous les établissements de la 
place. Aujourd’hui, c’est chez Riccardo, réputé pour ses 
tagliatelles à le vongole et pour un vin de Malvoisie servi 
en carafe qui, dès la première gorgée vous fait la vie belle.

Les deux amis se souviennent avec jubilation des nom-

breux déjeuners qu’ils ont partagés ensemble pendant 
l’écriture de son premier roman. Alexandre lui explique 
les raisons de sa présence, Marco ne fait aucun commen-
taire, sauf à propos de l’épisode du cinéma qui le fait le 
bien rire :

– Le San Daniele est le cinéma le plus pourri de Palerme, 

si tu voulais un bon cinéma climatisé, il suffisait que tu 
m’appelles !

Marco, d’un air amusé, regarde Alexandre qui lui avoue 

que cette mésaventure aurait pu mal tourner et l’autre 
de conclure :

– Pour moi, les individus qui opèrent comme ça ne sont 

pas siciliens et la mafia ne touche pas aux touristes, si tu 
veux entendre parler d’elle, lis mon journal !

La mafia, il la connaît tellement bien, qu’entre le tira-
misu et le petit verre de limoncello, il évoque quelques 
souvenirs amers sur les affaires scandaleuses, ces conni-
vences entre certains hommes politiques corrompus. La 

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