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heureux de se retrouver au milieu d’un grand parc arboré.
Il se repose quelques minutes, s’asseyant à l’ombre d’un
beau frangipanier buissonnant qui expose ses ramures
vertes chargées de lourdes fleurs blanches, larges comme
des soucoupes de porcelaine, dont les fragrances suaves
et sucrées, réveillent chez lui des souvenirs lointains de
voyages exotiques. C’est donc à regret qu’il s’éloigne de
l’arbre séculaire pour attaquer les premières venelles de
la vieille ville, écrasée de chaleur.
Les gens semblent avoir déserté les rues, seuls quelques
chats malingres ont l’énergie nécessaire pour courir les
poubelles des restaurants, en quête de quelques vestiges
faisandés de poissons ou de poulets. Il lui reste encore
deux bonnes heures avant le déjeuner avec Marco, lorsque
derrière un kiosque à journaux, il aperçoit un passage
voûté, une sorte de corridor sombre et frais, avec une
forte odeur incommodante d’urine qui l’oblige à quit-
ter la place en vitesse. Il déboule sous des arcades om-
bragées et bénit le talent de ceux, qui par le passé, ont
construit ces antiques passages piétons coincés entre
une épicerie et un marchand de vin. Faisant quelques
pas, il remarque dans un renfoncement l’entrée d’une
petite salle de cinéma, avec la mention : salle climatisée.
Saisi par une folle envie de fraîcheur, il pousse la porte.
Le voyant entrer, le caissier déjà bien entamé par sa
journée lui propose un fauteuil au premier rang. C’est
tout ce qui lui reste, car selon lui, les gens se foutent
complètement du film, ils viennent tous là pour se ra-
fraîchir, résultat, en cette saison, la salle est toujours
pleine ! Tout en faisant ses boniments, le bonhomme
détache un ticket d’entrée et toujours en riant le donne
à Alexandre :
autour des paysages, l’heure n’est pas aux confidences,
mais aux retrouvailles de deux amis qui ont en commun
l’art du silence. Cette vertu qui nous rend plus libres et
réceptifs au mystère de l’autre.
Première nuit loin de Paris pour Alexandre, qui aus-
sitôt levé, fait quelques pas dans le jardin où des oiseaux
font la java dans un grand magnolia ficus. Débarrassé
des tracasseries de la veille, il positive à fond et encore
plus quand il aperçoit Gina faire son yoga au bout de la
terrasse. Un peu moins lorsque Marco vient le rejoindre
en lui masquant la vue. Il se marre, le traitant de pigro
disoccupato, fainéant chômeur, en lui rappelant que l’oi-
siveté est la mère de tous les vices, mais que, s’il vou-
lait bien bouger ses fesses dans la journée pour venir
au centre-ville jusqu’à son bureau, il se ferait un plai-
sir de l’inviter à déjeuner.
Dans la maison, le matin chacun vit à son rythme.
C’est Gina qui part la première au boulot en scooter pour
rejoindre l’université, puis c’est au tour de Marco, qui se-
lon les jours, prend sa voiture ou un taxi.
Alexandre se sent un peu seul jusqu’à l’arrivée d’un
tourbillon de cheveux bruns à la peau brune, qui chan-
tonne une vieille tarentelle napolitaine. C’est Angelina,
la jeune femme de ménage qui fait son entrée dans le
salon toute souriante. Une brune qui ne compte pas
pour des prunes et qui d’après lui, doit avoir dans les
vingt printemps. Une fille comme elle qui débarque au
petit-déjeuner, c’est du bonheur pour la journée.
Il hésite entre la balade en ville ou rester ici. Finalement,
chassé par le bruit de l’aspirateur il décide de sortir.
Tous les chemins menant quelque part, il poursuit son
marathon solitaire au hasard, sous un soleil de plomb,