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II

Dans l’avion où le service à bord est précédé de la tradi-
tionnelle coupe de champagne, bien calé dans son fau-
teuil de première, pendant que l’avion survole les alpes, 
Alexandre rêve à Gina et à cette rencontre fortuite dans 
la villa du couple par un bel après-midi. Gina avec ses jo-
lis seins ronds, sortait toute nue de sa salle de bain. Elle 
se dirigeait en balançant ses hanches vers la chambre à 
coucher aux volets clos, sans doute allait-elle rejoindre 
Marco. Ne se doutant de rien dans la pénombre du cou-
loir, cheveux défaits et fesses à l’air, elle est passée de-
vant Alexandre qui eut juste eu le temps de se glisser 
derrière le double rideau du salon. Elle l’a frôlé de si près 
qu’il aurait pu la toucher. Il l’a suivi du regard jusqu’à ce 
qu’elle disparaisse, laissant derrière elle un inoubliable 
parfum d’érotisme.

Lorsque l’avion se pose à Palerme dans le milieu de 
l’après-midi, il retrouve Marco dans le hall de l’aéroport 
avec le même enthousiasme que s’ils venaient de se quit-
ter la veille, beaucoup de sincérité dans l’accueil avec une 
pointe de curiosité pour cette visite à l’improviste.

Alexandre hésite encore avant de lui expliquer les rai-

sons de sa présence ici, mais il préfère garder le silence et 
attendre le bon moment pour déballer son mal de vivre, 
si tant est que cela puisse intéresser Marco, qui pour le 
moment se concentre sur la conduite. La route s’enroule 

Pour tout un chacun, les souvenirs de l’enfance, lorsqu’elle 
a été douce, sont souvent des pansements qui soignent 
les grosses blessures de l’âme, perturbée par les vicissi-
tudes d’une vie d’adulte.

Ce soir, devant le vide abyssal de sa vie de couple et 

l’absence de désir pour l’écriture, sa bouée de sauvetage 
a le goût de l’évasion.

Débarrassé des papillons noirs de la nuit, levé tôt, du 

café encore fumant posé sur le bureau, il surveille sa mes-
sagerie tout en triant les publicités inutiles qu’utilisent les 
innombrables fraudeurs ; agacé par ces intrusions sur la 
toile, Alexandre récupère in extremis au mi lieu de tout ça, 
la réponse de l’ami Marco lui annonçant qu’il est toujours 
le bienvenu en Sicile. Heureux il se prépare, fait ses ba-
gages, ferme son appartement et s’en va sans plus attendre.

Dans le taxi, qui le conduit de son appartement parisien à 
l’aéroport, Alexandre repense à Marco Ferrare, journaliste 
et auteur d’un livre sur la mafia, plébiscité par la critique, 
souvent invité à la radio ou sur les plateaux de télévision. 
L’homme est réputé par ses prises de position anti-ma-
fieuses ; ils se sont rencontrés la première fois au cours 
d’un festival de film policier à Padoue. Cette année-là, 
on y projetait une adaptation assez réussie d’un roman 
d’Alexandre sur la Mafia, dont l’action se situait à Palerme.

Enfin arrivé, il se dirige vers les comptoirs de la classe af-
faire pour retirer sa carte d’embarquement. Il voyage léger 
ce qui lui permet de garder ses bagages en cabine. Après 
avoir franchi tous les contrôles de sécurité et de police, 
Alexandre peut enfin s’embarquer sur le vol à destina-
tion de Palerme.

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