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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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Mike  était  assis  comme  à  son  habitude  et  attendit 

encore  une  fois  que  son  hôte  l’eût  salué  pour  répondre 
de façon quasi inaudible. Jack s’assit sans s’approcher 
du lit, il avait décidé de ne pas serrer la main de Mike 
cette fois-ci. Il n’avait d’ailleurs plus de raison de le faire, 
puisqu’ils se connaissaient bien désormais. Jack pouvait 
jouer contre cette pratique venue du vieux continent qui 
pousse certains à se serrer la main chaque fois qu’ils se 
rencontrent. Il s’assit au bord du fauteuil, resta droit et 
fixa Mike.

Pour la première fois, Mike avait l’air mal à l’aise. Ils 

ne s’étaient pas revus depuis l’incident qui les avait frap-
pés tous les deux. Jack observa qu’il clignait des yeux de 
façon anormale. Ses bras étaient posés le long du corps, 
dans une position qui lui donnait un air vulnérable. De 
là où il était, Jack mit un certain temps à remarquer que 
Mike tremblait. Il tremblait en fait de plus en plus, et son 
visage prenait progressivement un air prostré.

— Je suis venu vous voir. Comme vous me l’avez fait 

savoir.

Mike restait sans réaction, il continuait de trembler 

de plus belle. Jack se tenait en appui, les mains sur les 
genoux, complètement tendu vers Mike, prêt à réagir à 
n’importe quoi. Mike ne desserrait pas les dents, il avait 
même plutôt tendance à les serrer de façon anormale. Les 
muscles de ses joues étaient contractés et sa langue pous-
sait de plus en plus fort, jusqu’à faire siffler sa salive entre 
ses dents. Jack comprit subitement que Mike n’était pas 

Il  arriva  au  pavillon  par  l’extérieur,  retomba  sur  le 

même fumeur invétéré qui fumait sa cigarette au même 
endroit et le salua. Il évita l’ascenseur et rejoignit 
l’étage de Mike par l’escalier. Il constata que plusieurs 
ampoules étaient claquées et rendaient le lieu passable-
ment inquiétant. Il poussa la porte coupe-feu du palier 
et  jeta  un  coup  d’œil  circulaire.  Personne  à  l’horizon, 
pas de Morgan à l’air menaçant ou narquois. Il avança 
jusqu’au lecteur de badge et entra dans le couloir. Sa 
respiration était courte, il avait monté plusieurs étages 
d’un bon pas. Il s’arrêta quelques instants au beau milieu 
du boyau, sous les néons vieillots. Il tenta de calmer son 
cœur qui battait vite et fort, il le sentait dans ses tempes. 
Il  se  rendait  compte  de  son  excitation  et  même  de  sa 
peur, mais elles étaient comme extérieures à lui, comme 
des symptômes physiques qu’il pouvait analyser de loin, 
depuis un poste d’observation distant. Il se défendait en 
prenant de la distance.

La porte de la chambre de Mike était entrebâillée 

dans une position qu’il ne lui connaissait pas. Jack avait 
toujours pensé que le système de gâche électrique empê-
chait cela. En passant la porte, il remarqua que le groom 
qui la refermait doucement était déboîté. Il ferma derrière 
lui, en se demandant s’il ne devrait pas justement laisser 
cette porte entrouverte. Ses doutes sur ses propres gestes 
achevèrent de le rendre nerveux, il parvint dans la pièce 
dans  un  état  semblable  aux  fois  précédentes,  livide,  le 
front couvert de sueur, haletant et inquiet.

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