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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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presque surpris d’avoir réussi à tenir tout ce temps sans se 
mettre à marcher de long en large dans le loft.

Lydie leur servit un plat léger, mais nourrissant, 

composé d’éléments asiatiques qu’elle avait achetés 
le  dimanche  précédent.  Les  goûts  et  les  consistances 
étranges des aliments réussirent à l’intriguer et il en fit 
part à Lydie. Elle lui sourit, lui expliqua de quoi il s’agis-
sait  sur  le  ton  de  celle  qui  était  contente  de  voir  enfin 
s’animer la personne qui se trouvait en face. Il y avait un 
peu  d’ironie  dans  sa  voix,  Jack  le  sentit  et  esquissa  un 
sourire gêné.

Il se couvrit en prévision du froid et prit un para-

pluie sur les conseils insistants de Lydie. Elle paraissait 
faire passer toute son appréhension dans ces paroles 
inquiètes  quant  à  la  pluie  froide  qui  pourrait  s’abattre 
sur lui en fin de journée. Arrivé à l’arrêt de bus, il se 
rendit compte qu’il était impatient. Le bus lui sembla 
en retard et inhabituellement lent. De fait, il y avait 
toujours de gros tas de neige boueuse au coin des rues, 
et le chauffeur restait prudent.

Jack trouva son chemin depuis une entrée secondaire 

de l’hôpital et évita le hall principal. Il suivit une route 
détournée, contourna soigneusement tous les endroits 
où il pouvait tomber sur Morgan, surtout ceux où celui-
ci aurait pu l’attendre et le surprendre. Il voulait absolu-
ment éviter toute confrontation imprévisible et, surtout, 
ne pas le croiser au détour d’un couloir ou ailleurs dans 
l’hôpital.

il n’échafaudait pas de plan, n’essayait pas de prévoir, il 
restait juste bloqué là-dessus sans pouvoir penser à autre 
chose. Un peu comme un étudiant qui n’avait pas beau-
coup révisé avant un examen. Les yeux dans le vague, il 
sirotait son café. Il attendait.

Les événements des dernières semaines lui réappa-

rurent dans le désordre, des images, des visages, des bribes 
de discours. L’air hagard de l’officier Morris lorsqu’il était 
venu à son bureau lui revenait souvent, comme une sorte 
de signe. Il savait qu’il se rendait aujourd’hui à l’hôpital 
pour répondre à l’appel que ce policier lui avait transmis 
contre son gré, comme quelque chose qui lui échappait. 
Jack était incrédule et en même temps complètement 
certain qu’il s’agissait bien de cela : Mike lui avait fait 
passer un message par l’intermédiaire du personnage 
le plus improbable. Jack demeurait interloqué par cette 
entrevue, par le souvenir de cet officier de police qui lui 
rendait visite à la fois pour dire sa haine envers Mike et 
pour délivrer son appel.

Jack passa sa matinée à regarder des émissions histo-

riques qu’il avait enregistrées en programmant le magné-
toscope. En fait, il faisait semblant d’avoir une activité 
pour rassurer Lydie, car il était incapable de se concen-
trer. Les images dansaient devant ses yeux, il se laissait 
masser les oreilles par les voix monocordes des commen-
tateurs, et notait des banalités sur les fiches cartonnées 
qu’il avait sorties. Quand vint l’heure du déjeuner, il fut 

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