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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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que directeur et qu’il avait complètement abandonné à la 
pauvre femme ces dernières semaines.

Il déjeuna avec une partie du personnel dans une 

modeste pizzeria près de la place de l’hôtel de ville. Au 
début, tout le monde paraissait gêné, mais rapidement, 
Jack sut trouver les mots pour rendre le repas moins 
compassé. D’une certaine façon, il était arrivé à retour-
ner la situation, et retrouvait peu à peu celle d’avant les 
événements. Jack désirait au plus haut point regagner sa 
tranquillité et il déployait tous les efforts nécessaires avec 
la collaboration active de son environnement. Son carac-
tère s’accordait en fait assez peu avec tous les change-
ments qu’il avait connus ces derniers temps, et ses proches 
semblaient préférer le voir ainsi. Dans son for intérieur, 
Jack était rassuré de constater que le bonheur calme qui 
régissait sa vie auparavant pouvait se recréer aussi faci-
lement. Mais il ne pouvait s’empêcher de se demander si 
tout cela supporterait une dernière rencontre.

Le jour en question, il se réveilla nerveux, mais sans 

peur. Il était juste un peu pressé de se rendre là-bas, d’en 
finir avec Mike et son influence. Il prit son petit-déjeuner 
sans  faire  attention  à  ce  qu’il  ingurgitait.  Non  pas  que 
les aliments avaient perdu leur saveur. Il n’y prêtait tout 
simplement aucune attention, pas plus qu’aux images du 
journal télévisé qu’il suivait en même temps. Son esprit se 
concentrait tout entier sur ce qui allait se passer en début 
d’après-midi dans cette chambre du pavillon psychia-
trique de l’hôpital. Jack n’imaginait rien en particulier, 

dimanche. Tous les magasins ou presque étaient ouverts, 
la foule se pressait dans les métros, les bus et les snack-
bars. Lydie demanda à Jack s’il ne regrettait pas trop sa 
vie d’avant, lui qui était né dans l’univers chaotique de 
cette ville dont on dit qu’elle ne dort jamais. Il lui répéta 
pour  la  centième  fois  qu’il  l’avait  suivie  où  elle  voulait 
vivre, et qu’ils n’étaient pas si loin de là. Tant qu’elle ne 
lui demandait pas de se retirer dans les Rocheuses, tout 
allait bien.

Ils prirent le dernier train après avoir dîné dans leur 

restaurant préféré, au sommet d’un tout petit gratte-ciel 
du début du siècle, aujourd’hui dominé par des monstres 
trois fois plus hauts. Dans le taxi qui les ramenait à la 
gare, la cité leur offrit un festival d’elle-même, l’ave-
nue qu’il devait remonter était complètement obstruée 
par des travaux au beau milieu. D’énormes cheminées 
plantées dans l’asphalte crachaient de gros panaches de 
vapeur que le vent plaquait sur les voitures. Leur taxi en 
traversa un au ralenti et ils se crurent un instant à bord 
d’un avion, au milieu des nuages. Ils s’embrassèrent sous 
l’œil du chauffeur haïtien qui pestait contre les travaux 
du chauffage urbain.

Le lendemain, Jack se réveilla empli d’une énergie 

retrouvée. Il arriva regonflé à la bibliothèque et entama 
une semaine de travail plein d’allant. Mrs Turnpike était 
visiblement  aux  anges  de  le  voir  ainsi  remis  et  dyna-
mique. Il reprit en main tout ce qui lui revenait en tant 

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