Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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balade seul, alors qu’elle s’était absentée. Il se sentait
parfaitement normal. Au bout de quelques jours, il décida
de mettre un terme à sa convalescence, et après discus-
sion avec Lydie, il annonça son retour à Mrs Turnpike.
En arrivant à la bibliothèque, Jack se dit qu’il aurait dû
éviter de prévenir qu’il reprenait le travail. Le personnel
au grand complet l’attendait comme s’il revenait du front.
On se serait cru un 4 juillet. Des fleurs partout et surtout
dans son bureau, des cadeaux, la bibliothèque fermée au
public pour la matinée… Jack se sentit gêné, tout ceci
était à la fois charmant et parfaitement ridicule. Surtout,
cela le renvoyait à cet accident, alors qu’il faisait tout
pour l’oublier.
Lorsque le maire fit allusion dans son discours à son
« regrettable accident », Jack sentit un trouble dans la
petite assemblée. Lui-même ne put s’empêcher de repen-
ser à ce qui venait de lui arriver et masqua difficilement
son embarras. Il était presque énervé par cette courte
cérémonie qui lui sembla durer des heures. Quand enfin
on servit un jus de fruits bon marché à chacun, il dit trois
mots, remercia le maire pour sa présence et disparut dans
son bureau quelque peu encombré.
Il y resta réfugié quelques heures, à classer du cour-
rier et des documents sur l’occultisme qu’il avait laissés en
désordre. Il ressentit une gêne encore plus grande quand il
comprit que Mrs Turnpike et les autres avaient pu voir ce
sur quoi il travaillait juste avant d’avoir un accident inex-
pliqué en compagnie d’un taulard à l’hôpital. Jack n’aimait
plus tard, ils passaient commande dans leur restaurant de
poissons préféré. Ils étaient presque seuls tant il était tôt,
il n’y avait avec eux dans la salle immense que quelques
couples de personnes âgées silencieuses. Ils parlèrent
peu, et surtout pas de tout ce qui venait d’arriver. Ils se
regardaient intensément, et chacun pensait sans oser le
dire à l’autre à quel point vivre séparés leur semblait une
idée atroce.
Ils rentrèrent tard après être allés au cinéma puis boire
un verre au café à la mode dont on leur avait parlé tout
récemment. Un peu trop bruyant à leur goût, il ne leur
avait pas vraiment plu. Mais le but était atteint : ils ne
pensaient même plus à l’hôpital, leur soirée ressemblant
en réalité à une soirée de vacances. Jack retrouva avec
plaisir le loft, visita toutes les pièces comme pour véri-
fier que rien n’avait changé, que tout était comme avant,
tel qu’ils l’avaient voulu. Ils se mirent au lit et passèrent
enfin une nuit tranquille, ensemble, sans cauchemars ni
angoisses. Au matin, ils se réveillèrent heureux.
Les jours de convalescence de Jack passèrent douce-
ment. Quelques coups de fil avec Mrs Turnpike permirent
à Jack de rester en contact avec la bibliothèque. Il se fit
même envoyer quelques documents qui concernaient les
réparations consécutives à la tempête. Un contentieux
était en vue avec l’assureur de l’hôtel de ville, et Jack
rédigea quelques notes pour le conseiller municipal. Jack
se reposait, mais ne se ménageait pas trop non plus. Il
sortit faire les courses avec Lydie, et entreprit même une