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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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Le médecin haussa les épaules et quitta la chambre. 

Jack et Lydie attendirent une éternité le personnel censé 
accompagner la sortie. Les infirmières firent un dernier 
tour avec un jeune médecin qui ausculta Jack pour la troi-
sième fois de la journée. Celui-ci s’y soumettait mainte-
nant de mauvaise grâce. Il se demanda même s’il n’y avait 
pas des enjeux en réalité extérieurs à sa santé dans le fait 
qu’ils insistent tant pour le garder. En effet, son assurance 
personnelle couvrait largement tous ses frais d’hospita-
lisation, et peut-être étaient-ils malheureux de perdre un 
bon client avec une bonne couverture santé qui paye bien 
et vite ? Jack se dit qu’il devait vraiment avoir cet hôpital 
dans le nez pour en venir à suspecter des choses pareilles.

Quand  il  s’habilla  enfin  pour  quitter  sa  chambre  du 

service  de  réanimation,  Jack  allait  mieux,  malgré  les 
efforts que tout cela lui coûtait, car il se sentait tout de 
même faible. Lydie avait l’impression de partir de façon 
illégale tant on leur mettait des bâtons dans les roues. 
La décharge à signer se trouvait à l’accueil principal, de 
l’autre côté de l’hôpital. Lydie, qui avait fait entrer son 
break dans les lieux, se perdit deux fois avant de dénicher 
une place pas trop éloignée de là. Elle soutint Jack sur les 
marches glissantes de ce bâtiment absurdement surélevé. 
Il signa sous l’œil réprobateur des filles de l’accueil et ils 
prirent enfin la route de chez eux.

Sur le chemin, Jack sourit. Il fut pris d’une envie subite 

de  manger  des  fruits  de  mer,  et  Lydie  fit  demi-tour  de 
façon un peu cavalière à un carrefour. Quelques minutes 

la première. Mike, moins atteint, avait fini par se réveiller 
et avait appelé des secours. On l’avait ensuite transporté 
d’un point à un autre de l’hôpital. Il imagina la terreur de 
Lydie, en plein travail, appelée d’urgence à l’hôpital. Jack 
était terrifié par le côté atrocement brutal de ce genre de 
coup de fil. Mais comment faire autrement pour prévenir 
quelqu’un ? Il espérait que Lydie n’avait pas eu affaire à 
quelqu’un de trop maladroit. Il la serra fort dans ses bras.

Il réclama la visite du médecin pour demander à sortir 

le plus tôt possible. Celui-ci revint dans l’après-midi et 
lui  expliqua  que  l’on  avait  l’habitude  de  garder  les  gens 
comme lui une nuit supplémentaire. Jack insista longue-
ment et finit par demander à signer une décharge. À regret, 
le médecin accepta et transmit sa demande avec le télé-
phone de la chambre de Jack. Avant de partir, il répéta une 
dernière fois ce qu’il disait depuis un quart d’heure.

— Écoutez, je comprends que vous vouliez fuir cet 

endroit parce qu’il vous y est arrivé malheur, mais votre 
cerveau a pris un coup, un gros, et le scanner ne nous 
donne pas de garantie à cent pour cent. Le seul moyen 
pour nous de savoir, c’est le temps. Statistiquement, s’il 
ne s’est rien passé au bout de trois nuits, alors il ne se 
passera plus rien. J’ai vu des gens partir comme vous et 
nous revenir dans le coma, le vrai…

— Docteur Rosenblatt, j’exige de quitter cet hôpital à 

la  fin  de  cet  après-midi  !  Ma  femme  sera  avec  moi  en 
permanence, je ne suis pas seul, je veux juste rentrer chez 
moi, s’il vous plaît.

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