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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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réponse  de  la  machine.  Au  moment  où  il  tournait  les 
talons, une aide-soignante sortit de l’ascenseur. Elle avait 
l’air de dormir debout. Elle traînait avec elle un appareil 
lourd avec deux écrans noirs et une série de tentacules. 
Jack crut reconnaître une sorte d’électrocardiogramme, 
ou un instrument du même genre. Elle actionna l’ouver-
ture d’urgence d’un geste à la fois brusque et machinal.

— Marche pas, ce truc. Tout est pourri ici…
— Merci.
— De rien. Poussez-vous, il faut que je fasse tourner 

ce truc. Il y a une roulette qui ne fonctionne pas bien.

Elle s’engagea dans le couloir en faisant crisser son 

engin sur le sol en linoléum et entra dans la première 
chambre. Jack la suivit et marcha d’un pas décidé vers le 
fond du couloir. Elle le regarda d’un air surpris à travers la 
porte et disparut. Jack arriva au fond du couloir et frappa à 
la porte la plus éloignée de celle où elle se trouvait. Pas de 
réponse. Il l’ouvrit et tomba sur une chambre absolument 
vide, et ce depuis des années, à en juger par l’état de la 
peinture et les tas de gravats dans les coins. Revenu dans 
le couloir, il nota que les trois premières portes unique-
ment affichaient un nom. Le pavillon était sans doute aux 
trois-quarts vide, et seules les chambres au début des 
couloirs étaient occupées. L’image d’un vaisseau fantôme 
lui  traversa  l’esprit.  Un  vaisseau  fantôme  avec  Morgan 
comme capitaine, rongé par ses souvenirs de guerre. Jack 
sourit tant il trouva l’image grandiloquente. Il n’en restait 
pas moins que ce pavillon se révélait être une sorte de 

— Disposées comment ?!
Jack avait posé sa question un peu brutalement.
— Euh… je sais pas moi ! Vous avez de drôles de ques-

tions, vous ! Voyons voir… elles étaient tout autour de 
lui, il était par terre et elles étaient autour, comme s’il les 
avait jetées une à une. Non, le truc qui m’a étonné, c’est 
que beaucoup étaient debout sur leur socle, y compris en 
haut de l’armoire. Ça, c’était bizarre. Bon, tout cela, c’est 
bien, mais moi, j’ai du boulot, M’sieur, bonne journée !

Jack le salua et monta doucement les étages. Il nota 

dans un carnet quelques-uns des éléments fournis par 
l’infirmier qui fumait tant. Il avait rallumé une cigarette 
avec le mégot de la précédente pendant qu’il lui parlait. 
Sa nervosité naturelle était renforcée par son physique sec 
et décharné. Rouquin, un peu dégarni avec une tête en 
forme d’ampoule, il avait vraiment l’air mal à l’aise dans 
ce service. Jack se demanda ce qu’il avait bien pu faire 
pour être affecté ici. D’ordinaire, pour une faute grave, 
on licencie les gens. Il y avait peut-être des situations 
où l’employé pouvait obtenir de l’hôpital qu’il le garde, 
par  exemple  en  menaçant  de  révéler  certains  faits  au 
public. Jack se faisait son petit scénario tout en montant 
les marches du raide escalier aveugle qui tournait à côté 
des cages d’ascenseurs. Le bâtiment était vieux, sale par 
endroits. Les plafonds étaient pleins d’une poussière qui 
semblait remonter aux années soixante.

Parvenu  à  l’étage  immédiatement  inférieur  à  celui 

de Mike, il testa son badge à l’entrée du couloir. Pas de 

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