Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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— Il y a quelque chose, comme une atmosphère bizarre
ou une sensation étrange autour de lui. Ce type, il fait pas
humain, sa carrée est toujours propre, il y a des objets
bizarres, et puis il a mis des trucs dans tous les coins.
Vous savez, il fabrique des figurines avec des bouts de
plastique, et il en fout partout. On l’a changé de chambre
parce qu’il empêchait les autres de dormir.
— Comment ça, il empêchait les autres de dormir ?
— Oui, enfin, c’étaient les autres qui disaient ça, ils
disaient que Mike leur parlait à travers les murs. Vu
l’épaisseur des murs, je comprends pas, il faut crier pour
que ça passe. Moi, je crois qu’ils faisaient du morse avec
les tuyaux, et que ça en emmerdait certains. En tout cas,
maintenant, il est d’un côté du couloir où il n’y a personne.
Il se tient tranquille.
— Il a été agité, parfois ?
— Vous avez peur, hein ? Non, il n’a jamais été
violent ici, sinon il serait retourné en taule, il se tient à
carreau, comme les autres. Non, une fois seulement, je
l’ai retrouvé au pied de son lit et sa carrée était complète-
ment en bordel, un peu comme s’il y avait eu un ouragan
là-dedans, on aurait dit qu’il s’était battu. Mais il avait
passé la nuit tout seul, comme les autres. De toute façon,
la nuit, les portes sont fermées.
— Sa chambre était dérangée ?
— Oui, tout était par terre, il y avait des trucs du sol
en haut de l’armoire, toutes ses petites figurines étaient
éparpillées partout dans la pièce.
— Tout le monde s’en fout de l’état des malades. Je
veux dire, on fait notre boulot, on les nourrit, on les lave
parfois, on maintient leur hygiène, mais personne ne leur
parle. C’est à peine si les normaux se parlent entre eux ici.
D’ailleurs, est-ce qu’on est si normal après quelques mois
ici… Et puis, tous ces fous, ils font des trucs de dingue, je
veux dire, ils se font du mal, ils ne font pas les trucs qui
leur feraient du bien…
Jack sentait que l’infirmier était une mine d’informa-
tions sur le pavillon, mais il fallait le recadrer sur Mike et
l’étage des condamnés, sinon, il n’en finirait pas.
— Et cet étage donc, vous n’y êtes pas souvent ?
— Si, ça m’arrive, mais je fais en sorte d’y aller le
moins possible. C’est un endroit que je n’aime vraiment
pas. Il y a une sale atmosphère. Ces types ne sont pas des
fous comme les autres, je veux dire, ils étaient dehors
avant, c’est comme des lions en cage. Ils sont bourrés de
calmants, mais on voit encore leurs griffes.
— Et Mike S. ?
— Celui-là, c’est le pire de tous. On dirait qu’il est là
par erreur. Il a l’air de celui qui va bientôt sortir. Il fait
tout pour mettre les gens mal à l’aise, il est très fort, très,
très fort. C’est un dur. Je me demande vraiment pourquoi
ils nous l’ont collé. Ce type devrait être en taule, ou alors
il faudrait que je fasse mes rondes avec un fusil à pompe.
Il me fait peur, ce type.
— Mais pourquoi exactement ?