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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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— Et l’étage des types placés par la justice, vous y 

allez souvent ?

— Pas trop, non. J’essaie d’éviter, j’ai justement pas 

envie de me faire dessouder par un de ces criminels, moi. 
Et puis, c’est le territoire de Morgan, là-haut. Je sais que 
vous connaissez ce type, tout le monde ici commence à le 
savoir. C’est un maboul, il faudrait le foutre lui aussi dans 
une des chambres…

— Ah ?
— Ne me faites pas croire que vous n’avez rien 

remarqué ! Ce type est le seul infirmier de tout l’hôpi-
tal à se comporter comme ça. Il a une mission, il a dû 
se prendre un coup sur la tête dans le désert. Il gère ce 
service comme s’il était toubib en chef, comme si c’était 
un endroit important.

— Tout de même, un service doit être bien tenu, non ?
— Bien tenu ? Mais tout le monde s’en fout des gens 

qui sont ici, des malades comme du personnel, d’ailleurs. 
Tous ceux qui sont là sont des relégués, des bannis. Il n’y 
a que ce Morgan qui a choisi de venir ici, dans ce truc 
horrible.

— Horrible, vous dites ?
— Oui, horrible. Ça sent la mort, ici. La mort lente et 

voulue par les autres, c’est pas comme les cancéreux. Ici, 
c’est les autres qui ont décidé de vous laisser crever dans 
ce trou à rats, parce que vous êtes fou. Moi, je trouve ça 
horrible. Et puis, il se passe des choses atroces ici.

— Ah oui ? De quel genre ?

Il avait l’air assez curieux.
— Oui. Ça vous étonne ?
— Un  peu,  oui.  Moi,  je  suis  là  par  mesure  discipli-

naire, alors imaginer que des gens viennent ici de leur 
plein gré, ça m’étonne pas mal.

— Je n’ai pas vraiment choisi, mais si personne n’était 

envoyé ici, les personnes internées ne verraient pas grand 
monde, non ?

— Oui, mais à quoi ça sert ? Ces types sont bons pour 

la poubelle.

L’infirmier ne semblait pas heureux de son affectation, 

pensa Jack. Il continua à deviser avec lui, ce type avait 
visiblement envie de parler. De toute façon, il avait prévu 
une avance confortable justement pour pouvoir faire ce 
genre de rencontres.

— Vous trouvez qu’ils ne méritent pas leur sort ?
— Ces types sont des meurtriers, je veux dire, les gars 

de votre étage. Les autres malades sont des légumes pour 
la plupart, ou des fous dangereux, mais qui ne sont jamais 
sortis d’ici…

— Vous  n’aimez  pas  cet  endroit,  à  ce  que  je  vois  ! 

Je me trompe ?

— Non, pas du tout, c’est un mouroir horrible.
— Vous y êtes souvent de garde ?
— Ah ça, oui ! Nous sommes le service le moins bien 

servi en personnel, je ne compte plus mes heures supplé-
mentaires, je passe ma vie dans ce foutu bâtiment, un 
jour, j’y crèverai !

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