Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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photo. J’ai raccroché immédiatement après et repris ma
place dans le civil.
— Vous avez dû en voir de belles, là-bas… On n’a pas
vu grand-chose ici, mais je suis sûr que ça a dû être dur.
— Mon unité a perdu un Huey en opération. Un tir
ami. Six pertes. Je n’avais pas envie de rester là-dedans.
Risquer sa peau pour sauver des gars et se faire descendre
par un crétin de l’infanterie qui n’a même pas compris
que l’ennemi n’a plus d’hélico…
Jack lut pour la première fois une émotion sur le
visage de Morgan. Ce fut furtif. L’espace d’un instant,
l’infirmier avait laissé passer un trouble, comme de la
peine ou de la colère mêlée de dégoût. Il se reprit brus-
quement et accueillit la nouvelle question de Jack avec
son air impassible.
— Dans l’hélico, il y avait des blessés ?
— Oui, deux. Ils rentraient à fond vers l’hôpital de
campagne sans passer par le centre de tri, de nuit. Un
des gars avait besoin d’un truc lourd, il n’y avait pas de
temps à perdre, ils n’ont pas respecté les consignes, ils
se sont pris une rafale de mitrailleuse antiaérienne bien
placée. Ça a eu lieu tellement loin à l’intérieur de nos
lignes que c’est peut-être la seule que ce type ait tirée de
toute la guerre.
Il eut un rire intérieur, sans sourire. Jack tenta d’ima-
giner toute la déception et la peine qu’une telle erreur
devait susciter. Il comprit pourquoi Morgan avait voulu
quitter l’armée après une horreur pareille.
terme dans le service de psychiatrie. Ce surveillant en
chef lui avait paru assez concerné par sa tâche, il avait
répondu plusieurs fois au téléphone durant leur entre-
tien, d’un ton directif, par des phrases sans fioritures.
L’impression générale qu’il donnait à son interlocuteur
était celle d’un être lisse, sans prise. Un personnage à
l’air martial, le cheveu ras, les traits durs. Il n’y avait,
dans son bureau, aucun des objets personnels que l’on
trouvait d’habitude dans ce genre d’endroits : des photos
de famille, un mini panier de basket ou d’autres gadgets.
Rien, si ce n’était un diplôme militaire reconnaissable aux
insignes qui l’ornaient, et un cadre contenant une photo
d’une demi-douzaine de soldats portant un brassard blanc
barré d’une croix rouge. Jack reconnut à l’apparence des
jeunes hommes sur le cliché qu’il ne s’agissait pas d’une
photo-souvenir prise sur une base au pays. Les uniformes
étaient sales, déchirés, et leur air était grave. Morgan
avait sûrement servi dans un conflit récent à l’étranger. Il
avait donc connu le champ de bataille, la brutalité de la
guerre et l’horreur des blessures soignées à la va-vite. Le
groupe posait devant un hélicoptère. Ce devait être des
militaires chargés de récupérer les blessés au plus près du
front, une unité plongée au cœur de la bataille et qui n’en
voyait que le pire, même dans la victoire, car il n’y avait
pas de victoire sans blessés.
— Desert Storm, déclara simplement Morgan en
remarquant Jack en train de regarder le diplôme et la