Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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accompagné. L’une des deux était la dernière personne
à l’avoir vu vivant. Son père n’avait donc pas été seul au
moment de sa mort, et cela rendait ce souvenir un tout
petit peu moins douloureux. Sa gratitude était justement
ce qui avait poussé Jack à se proposer à son tour comme
visiteur à l’hôpital, où l’on avait accepté sa venue sans
aucun problème.
« Vous allez nous changer des gamines de l’institution
catholique qui viennent sans arrêt. Elles viennent parce
qu’on les envoie. Vous, personne ne vous envoie… »
Le surveillant en chef, Morgan, lui avait fixé un rendez-
vous pour cette fin de semaine, suivant les disponibili-
tés de Jack. Le lendemain, jour de Noël, serait donc le
jour de la première rencontre avec le premier malade,
et Jack se sentait quelque peu nerveux. Il pressentait,
de façon diffuse, un événement, sans être le moins du
monde capable de le nommer. Par une association d’idées
évidente, il pensa à la naissance de Jésus célébrée en ce
jour précis. « Une naissance ? Plutôt une renaissance,
puisque je suis déjà né », se dit-il…
*
Dans le bus qui le conduisait chez lui, Jack sortit de sa
sacoche le dossier de présentation du patient qu’il devait
visiter le lendemain. L’hôpital rassemblait de nombreux
services aux multiples attentes. Sans autre forme d’expli-
cation, Morgan lui avait désigné un patient traité à long
pour le directeur de la bibliothèque centrale, d’appa-
raître dans une des organisations de charité toutes plus
ou moins liées à la Ville pour laquelle il travaillait. Il
lui aurait été impossible de trouver une place au contact
direct des gens, de celles et ceux qui avaient besoin d’aide.
Or c’était là tout ce qu’il recherchait. Les responsables de
ces organisations lui auraient interdit de faire le « sale
boulot » et l’auraient installé contre son gré à un poste « à
responsabilités », loin des gens du commun. Le seul lieu
où son statut social ne comptait pour personne et où l’on
ne lui demandait pas d’être un jeune homme d’une ving-
taine d’années que l’on pouvait réveiller au milieu de la
nuit, c’était l’hôpital. Non pas dans le corps médical, mais
tout simplement là où il manquait à coup sûr du monde,
là où seul un volontaire pouvait prendre la place de ce
qui n’existait pas, aider vraiment : auprès des malades,
comme visiteur.
L’idée s’était imposée à lui en repensant à ce jour où
il avait rendu visite à son père dans ses dernières heures,
et où il avait plusieurs fois croisé deux jeunes filles à la
tenue stricte qui allaient et venaient dans les couloirs de
l’étage. Le vieil homme était attaché à ces deux filles :
« Tu comprends, mon fils, elles sont là tous les jours,
elles n’ont pas de raison de venir me voir moi, en parti-
culier, ça me touche beaucoup… » Cela était presque
vexant pour Jack, qui l’avait mal pris au départ. Puis,
après la mort de son père, il en était venu à éprouver
une immense gratitude pour ces deux êtres qui l’avaient