Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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— Des linceuls, figure-toi. Ils étaient spécialisés dans
les linceuls… Et moi, je trouve ça lugubre !
Jack partit d’un grand éclat de rire. Lydie lui dit
sérieusement qu’il ne devrait pas, et qu’il rirait moins en
entendant la suite. Elle continua en détaillant la triste vie
des ouvrières de l’époque, les horaires ahurissants et les
conditions de travail dangereuses, les doigts coupés par
les machines, etc. Jack commençait à trouver l’histoire
de Lydie à la fois intéressante et complètement à côté de
la plaque. Il la laissa continuer, surtout pour retisser les
fils de leur complicité, qu’il avait sentie en danger peu
auparavant.
— Et le pire de l’histoire du bâtiment, ce n’est pas ça,
figure-toi. Il y a bien pire !
Ses yeux étaient un peu exorbités, on aurait dit qu’elle
allait parler du diable. Jack écoutait attentivement.
— Vers la fin des années cinquante, peu avant la
fermeture de l’usine, il y a eu une horrible affaire crimi-
nelle ici. J’ai mis du temps à recoller les morceaux, les
petites vieilles que j’ai interrogées refusaient d’en parler.
Il semble que certaines des ouvrières étaient régulière-
ment violées par les deux frères qui possédaient l’usine.
Tout a éclaté quand une des filles a sauté du toit un hiver
en laissant une lettre derrière elle qui accusait tout le
monde : les violeurs, les contremaîtres qui fermaient les
yeux, etc. Une horreur, je te dis. Moi, si j’avais su tout ça
avant, j’aurais reconsidéré le fait de venir habiter ici…
avait noté beaucoup d’éléments, une foule de détails qui
lui avaient échappé dans son propre comportement. Des
détails qui, pour Lydie, n’avaient pas de sens jusque-là, et
qu’elle avait raccordés au loft, à leur nouvelle vie ici. Pour
elle, Jack avait changé depuis la fin des travaux, et il ne
fallait donc pas chercher plus loin une explication à ses
changements d’humeur. Un nouveau cadre de vie indui-
sait une nouvelle vie, un nouveau comportement, c’était
logique pour elle.
Elle se mit à raconter à Jack tout ce qu’elle savait sur
l’immeuble et son passé. Elle s’était renseignée auprès
des vieux habitants du quartier, avait effectué de petites
recherches avec les architectes pour retrouver les plans
d’origine lorsqu’ils avaient voulu détruire certains
murs. Le bâtiment avait été édifié en plusieurs étapes,
le premier entrepreneur s’était cassé la figure pendant
la construction, au sens propre : il était tombé du haut
d’un échafaudage. Puis ses fils avaient ruiné l’affaire. La
structure était donc restée plusieurs années complète-
ment vide, ouverte à tous les vents. Elle servait, paraît-il,
de grange ou de grenier à grains lorsque les paysans du
coin manquaient de place. Puis la construction avait été
achevée et l’usine s’y était installée. Il s’agissait, selon les
souvenirs d’une vieille femme, d’une usine de textile à
fort mauvaise réputation. On y fabriquait des vêtements
d’un genre assez particulier.
— Quel genre de vêtements ? demanda Jack, qui
sentait que Lydie ménageait ses effets.