Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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— Sois sérieuse, écoute-moi, je n’ai jamais ressenti
une angoisse pareille, je ne suis plus moi-même quand je
vois ce type. Et puis, il y a Morgan, aussi…
Lydie le regarda par en dessous avec un air presque
amusé. Elle n’avait jamais vu Jack aussi embarrassé dans
ses explications. Au contraire, il était plutôt du genre
à accabler son interlocuteur de sa logique implacable
et froide. Une fois, même, un peu ivre, il avait tenu à
lui expliquer la formation du brouillard alors qu’elle les
ramenait en pleine nuit sur de petites routes. Elle aimait
Jack aussi pour cela, son caractère si différent du sien et
qui la fascinait, cette capacité à répondre sans se démon-
ter à n’importe quelle question, même la plus saugrenue
ou la plus personnelle, Jack sachant toujours retomber sur
ses pattes. Ce soir, elle avait presque envie de rire telle-
ment il pataugeait.
— Chéri, reprends tout depuis le début, je ne comprends
rien à ton histoire.
Jack lui raconta donc sa première visite à l’hôpital,
l’entrevue avec Morgan, son passé militaire et le reste.
Il parla sans rien cacher de sa première rencontre avec
Mike, de l’effet que tout ceci avait produit sur lui, des
dossiers et des différentes hypothèses qu’il avait forgées
lui-même sur toute l’affaire. Il lui expliqua tout ce qu’il
pouvait se rappeler des hallucinations et des visions qu’il
avait eues. Ils discutèrent de l’incident du bain et de la
nuit suivante, ils revinrent sur chaque événement des
semaines écoulées, et Jack se rendit compte que Lydie
de la dernière phrase de Lydie. Il sentait bien que s’il la
remettait brutalement en cause, il ne pourrait plus parler
à Lydie avant un bon moment. S’il voulait se la mettre à
dos, c’était le meilleur moyen. Il inspira un grand coup
et se dit que ce qu’il avait à raconter à Lydie valait bien
sa logique tirée par les cheveux. Il n’était pas du tout en
position de jouer les raisonneurs. Il attendit qu’elle se
calme, qu’elle ait fini de répéter la même idée, comme le
font les gens qui se fâchent, et dit enfin :
— Il faut que je te parle de Mike.
Jack réalisa qu’il n’avait presque pas évoqué ses visites
jusqu’à ce jour. Il lut dans le regard de Lydie une grande
surprise doublée de curiosité.
— Mike ? Qui est-ce ? Jamais entendu ce nom-là. C’est
un homme, ce n’est pas la femme de ton hallucination ?
— Oui, c’est un homme, s’amusa Jack. C’est la
personne que je vais visiter à l’hôpital chaque semaine.
— Euh… chéri, quel rapport y a-t-il entre nous et ce
monsieur ?
Elle était carrément désorientée.
— Lydie, depuis la première fois que je suis allé le
voir, je me sens bizarre. Il s’est passé quelque chose en
moi quand j’ai rencontré ce type, il se passe quelque
chose à chaque fois.
— Il se passe quelque chose ? Chéri, rassure-moi, ça
n’a rien de dégoûtant ? demanda-t-elle avec un faux air
pincé.