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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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— Lydie, écoute. Nous avons déménagé. Nous 

vivions dans une petite maison avec un jardin, nous 
n’étions  jamais  à  plus  de  quelques  pas  l’un  de  l’autre, 
ton  atelier  se  trouvait  de  l’autre  côté  du  mur  où  était 
appuyé mon bureau. Aujourd’hui, c’est différent et nous 
devons marcher pour nous parler, mais je ne crois pas 
que  cela  puisse  aboutir  à  des  angoisses  comme  celles 
qui me touchent en ce moment. Nous avons passé tout 
l’automne à nous débattre dans les travaux. Bien sûr que 
nos conversations étaient toutes centrées là-dessus, c’est 
normal, nous n’étions plus dans notre vie d’avant, dans 
l’autre maison. Tout a changé et en plus, il fallait orga-
niser ce changement, cela a pris du temps et continue de 
nous prendre du temps. Nous retrouverons un rythme 
de croisière, nous serons de nouveau libres de parler de 
n’importe quoi lorsque nous serons enfin débarrassés 
des travaux, du bricolage et des derniers soucis de cet 
endroit, quand nous nous sentirons complètement à la 
maison ici. Ça viendra bientôt, j’en suis sûr. Ce n’est pas 
ça qui me préoccupe, c’est autre chose…

— Pourtant, moi, ça me préoccupe ! Le fait que je me 

sente bien ou non dans notre nouvel endroit m’importe 
beaucoup, figure-toi ! Et que tu aies d’autres problèmes 
ne change rien à mon sentiment : et si nous étions ailleurs, 
est-ce que tu aurais les mêmes problèmes dont tu ne veux 
toujours pas me parler ?

Lydie avait nettement élevé la voix. Elle était presque 

en colère. Jack sourit en percevant la logique étonnante 

— Chéri, que se passe-t-il ? De quoi parles-tu ?
Jack se rendit compte qu’il s’était montré assez 

maladroit dans sa présentation, que cette introduction 
était particulièrement inquiétante, et il tenta de redres-
ser la barre.

— J’ai des angoisses, de fortes angoisses qui me 

prennent brutalement ces derniers temps. Elles sont si 
fortes que j’ai même des hallucinations. L’autre matin, je 
t’ai crié dessus, et… et ce n’était pas toi que je voyais.

— Pas  moi  ?  Tu  veux  dire  que  tu  voyais  quelqu’un 

d’autre ? Une femme ?

— Oui, une femme, mais que je n’avais jamais rencon-

trée avant. Il ne s’agit pas de souvenirs. En tout cas, pas 
des miens…

— Pas tes souvenirs ? Mais qu’est-ce que tu racontes ?
Jack se rendit compte que la situation était bien trop 

complexe. Il se refusa à entrer dans les détails, à parler de 
Mike, et revint au loft.

— Je ne sais pas, c’est peut-être ce lieu…
— Ah, tu vois, il y a bien un problème avec cet 

appartement !

Il était terriblement gêné. Il n’arrivait ni à trouver la 

force de parler ouvertement de Mike et des visites ni à 
suivre Lydie dans son hypothèse sur le lieu. Il lui semblait 
évident qu’un espace puisse déterminer un style de vie et 
que le leur ait pu évoluer en changeant de maison. Mais 
que ce loft le pousse à imaginer des bribes de la vie de 
Mike, ça, en revanche, ne le convainquait pas du tout.

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