Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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logique décousue insupportable. Dans un effort intense
de maîtrise de lui-même, Jack interrompit Lydie, qui resta
immobile et décontenancée devant lui. Il l’avait fait de la
façon la moins violente possible, au détour d’une phrase
qui semblait clore un chapitre de la journée de Lydie. Il
se tenait droit devant elle dans la cuisine et il lui prit des
mains la pinte de lait qu’elle allait lui tendre la seconde
d’avant. Il tenta de lui sourire et rangea l’objet.
— Il faut que je te parle, ma chérie, répéta Jack avec
un air embarrassé. Nous vivons des jours étranges, je
crois que nous devons discuter de certains sujets.
— Tu as raison. Quelque chose a changé depuis peu, et
moi aussi, je voulais t’en parler, mais j’avais un peu peur.
C’est bien que tu décides de le faire.
Son ton avait changé, elle parlait d’un coup bien moins
fort. Elle s’assit sur le bord de la table, croisa les bras
puis se prit le menton dans une main, l’air de réfléchir
intensément.
Jack entreprit de ranger le restant des courses avec
Lydie. Ils n’échangèrent que des paroles informatives
pendant quelques minutes, puis il la conduisit au salon
de l’autre côté de la pièce. Elle s’assit dans un des grands
canapés disposés en L près de la verrière. Ils restèrent
silencieux un bon moment, incapables de commencer.
Jack avait l’intuition diffuse qu’il y aurait un avant et un
après cette discussion, et cela le terrorisait. Lydie avait
elle aussi senti quelque chose et en parler maintenant,
mettre des mots là-dessus pouvait donner une forme, un
sans importance. Jack restait donc attentif, ponctuant de
temps à autre ses phrases de gestes ou de sons appro-
bateurs, et tâchait de ne jamais la perdre du regard, ce
qui n’était pas simple, car en même temps, elle se livrait
à diverses activités, comme ranger les courses qu’elle
venait de faire. De la cuisine à la voiture, en passant par
les escaliers et l’atelier, Jack talonnait sa femme presque
sans jamais l’interrompre.
Jack aimait profondément Lydie et savait qu’il n’aurait
jamais accepté un tel comportement de la part de qui
que ce soit d’autre. Il avait toujours été fasciné par cette
artiste un peu délurée, aux sages extravagances, mais
tout de même si différente de lui. Lydie était plutôt rangée
et casanière comme plasticienne. Ses anciens camarades
des écoles d’art par lesquelles elle était passée vivaient
dans des conditions assez différentes des siennes, et
même, pour certains, dans la misère. Son mariage la
différenciait profondément d’eux. Pour autant, elle gardait
en commun avec eux cette relative incapacité à se mettre
à la place d’autrui, à changer son comportement en fonc-
tion de la présence ou de l’absence des autres. Lydie était,
de la façon la plus simple et la moins agressive qui soit,
égocentrique. Cela, Jack l’avait su dès le départ, lui qui
était si différent, il l’avait toujours considérée avec bien-
veillance, car par ailleurs, Lydie était aussi généreuse.
Mais ce soir-là, le discours sans fin de Lydie lui provo-
quait comme un bourdonnement dans les oreilles, il trou-
vait sa voix désagréable, ses mimiques déplacées et sa