Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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si c’était la fièvre qui lui jouait des tours. Il n’osait pas la
réveiller, de peur de briser son sommeil. Lydie souffrait
d’insomnies récurrentes, et ses nuits étaient précieuses.
La réveiller simplement parce qu’elle bougeait ainsi,
c’était prendre le risque de la voir faire la tête pendant
tout le jour suivant. Jack préféra ne rien faire.
Lydie se mit à ânonner des sons d’abord inintelligibles,
puis des mots finirent par percer. Jack était fasciné. Il
avait déjà entendu Lydie parler dans son sommeil. Par
exemple, lorsqu’elle prenait des somnifères, il lui arrivait
de prononcer quelques phrases complètement absurdes
avant de s’endormir. Là, il s’agissait de quelque chose
de totalement différent. Ses mouvements répétitifs ne
cessaient pas, et les mots qu’elle articulait de plus en plus
étaient rythmés par ces mouvements. Soudain, Lydie
poussa un cri qui déchira l’air. « J’ai besoin de vous, au
secours ! J’ai besoin de vous, au secours ! » Sa voix était
comme transformée, ce n’était pas son timbre habituel,
mais un son bien plus grave. Il y avait un décalage entre
le visage féminin et la sonorité de la phrase qu’elle répé-
tait. Jack était fasciné par la situation, pétrifié, les yeux
grands ouverts.
Puis, tout à coup, Lydie cessa de bouger. Au beau
milieu d’un de ses appels au secours, elle se recroquevilla
sur elle-même et s’enfonça dans un sommeil profond.
Complètement repliée sur elle-même, elle se mit à reni-
fler légèrement. Jack lui recouvrit les épaules et s’allon-
gea tout près d’elle.
Lydie monta se coucher la première, assez tôt, et Jack
resta un moment devant les nouvelles du soir, encore
essentiellement consacrées à la météo désordonnée de
cet hiver. Il rangea, passa dans l’atelier voir le travail
que Lydie avait accompli aujourd’hui, tout en prenant
soin de ne laisser aucune trace de son passage, car elle
demeurait secrète. La plupart de ses œuvres étaient
recouvertes de vieux draps tachés qu’il souleva précau-
tionneusement pour tenter d’en apercevoir au moins
une partie. Il retourna à son bureau pour effectuer
une recherche rapide sur son ordinateur, puis monta se
coucher aux côtés de Lydie.
Sa respiration était toujours sifflante, ses bronches
étaient prises et son front était perlé de sueur. Jack se
demanda comment il avait fait pour passer au travers de
cette grosse bronchite sans rien attraper. Il remonta la
couverture sur son épaule en caressant doucement ses
cheveux et éteignit la lumière. Il n’avait pas particulière-
ment envie de dormir, encore tout habité par ses lectures
du jour. Il resta un long moment les yeux ouverts dans la
semi-obscurité de la chambre dont les rideaux n’étaient
pas tirés.
Lydie bougeait considérablement. Peu à peu, ses
mouvements devinrent réguliers, mais restaient saccadés
et incompréhensibles. Jack se releva et se mit en appui sur
son coude. Cela faisait maintenant un bon quart d’heure
qu’elle s’agitait dans tous les sens. Jack l’observa sans
intervenir. Il se demandait si elle faisait un cauchemar ou