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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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Il en profita pour rentrer dans une boutique d’acces-

soires féminins et acheta un petit cadeau pour Lydie. Il 
repensait à son comportement de l’autre matin et se dit 
qu’un présent finirait d’effacer ce mauvais souvenir. Il 
pensa qu’elle avait vraisemblablement oublié l’affaire et 
qu’en fait, c’était surtout lui qui désirait la questionner 
là-dessus. Il culpabilisa un instant puis se dirigea vers 
la sortie.

En  attendant  le  bus,  il  recommença  à  penser  à  ses 

visites et à leurs effets bizarres sur lui. S’il ne comprenait 
que très mal le rôle de Morgan dans cette histoire, celui de 
Mike était peut-être plus clair : quelque chose de spécial 
se  tramait  entre  eux  deux,  mais  il  ne  savait  pas  quoi. 
À chaque visite, Mike ne disait que trois mots, et pour-
tant, Jack sentait bien qu’une quantité infinie de messages 
et de signes lui parvenaient. Il n’y avait donc plus de doute 
là-dessus. Alors, autosuggestion ? Hypnose ? Mike avait-
il un don pour faire passer tout cela ? Jack était forcé pour 
la première fois de sa vie de considérer l’explication dite 
paranormale comme une hypothèse sérieuse.

Cependant, si Morgan était placé au centre de la situation 

par sa fonction, il lui manquait un motif, un mobile. « Que 
pouvait-il bien me vouloir ? Peut-être m’utiliser contre 
Mike ? Mais de quelle façon ? Je ne pouvais rien faire 
contre lui, je ne le connais pas, je ne l’avais jamais rencon-
tré auparavant. » Jack se demanda si ce n’était pas ce qu’il 
représentait aux yeux de Morgan qui posait un problème : 
un brave civil, un gars avec une belle place bien désignée 

opération militaire ou avec la médecine ? Jack demeurait 
perplexe et cela l’empêchait de comprendre, d’envisager 
la situation d’un seul regard et d’appréhender les rapports 
entre les uns et les autres.

Morgan était venu le trouver l’espace d’un instant 

et lui avait parlé de façon familière et menaçante, sans 
rien ajouter. Jack ne saisissait pas pourquoi. Il n’était pas 
dans la chambre lors des visites et semblait tout savoir 
de ce qui se tramait là-bas. Une caméra ? Des micros ? 
Mais pour voir quoi ? Un Jack prostré sur son siège et 
Mike immobile ? Ça n’avait pas de sens. Ce qui était plus 
certain, c’était que la tête que faisait Jack à chaque sortie 
devait être assez expressive. Mais il n’était même pas là 
chaque fois, qu’en savait-il ? Les infirmières de l’accueil ? 
Peut-être bien, mais Jack ne voyait toujours pas pourquoi 
Morgan semblait voir si clair dans son jeu, et pourquoi il 
s’était permis de le défier ainsi, de façon aussi grossière 
et impolie.

Jack décida de parcourir une partie du chemin à pied. 

Les trottoirs étaient praticables, ils avaient été salés et la 
neige fondue n’était pas trop glissante. Quelques piétons 
croisèrent Jack qui ne les vit même pas, trop absorbé par 
ses pensées. Il quitta rapidement le quartier de l’hôpi-
tal et s’enfonça dans la ville. À un moment, il se rendit 
quand même compte qu’il avait oublié l’arrêt de bus et dut 
traverser un centre commercial pour retrouver sa ligne. 
La lumière des enseignes et les animations qui annon-
çaient les soldes d’hiver le tirèrent de sa torpeur.

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