Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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Surpris par la façon dont Morgan s’était adressé à lui
en l’appelant par son diminutif – sur la fiche qu’il avait
remplie, Jack n’avait écrit que son prénom, John –, il resta
muet, ne salua même pas Morgan, qui tourna presque
immédiatement les talons. Jack entra dans l’ascenseur
encore sous le choc. Mais que lui voulait donc ce type ?
Après tout, c’était lui qui avait tout organisé, qui avait
choisi Mike comme patient à visiter parmi les centaines
de malades de cet hôpital. « Qu’est-ce que c’est que ce
bazar, se demanda Jack en sortant du pavillon, que me
veulent ces types ? Et qui essaie de me faire comprendre
quoi ? On veut me faire peur ? On veut me dire quelque
chose ? Morgan veut m’humilier ? Mais pourquoi ? Je ne
le connais pas, moi, ce type ! »
Jack sortit de l’hôpital sans prêter attention à son envi-
ronnement. Il marchait d’un pas décidé, complètement
pris dans ses pensées. Il se sentait perdu, sous influence,
mais ne savait même pas de qui. Mike et Morgan étaient-
ils de mèche ? Quel genre de rapport entretenaient-ils ?
La sortie de Morgan lors de leur première rencontre était
peut-être une comédie et ces deux-là complotaient en
fait le reste du temps. Mais un complot pour quoi faire ?
Jack ne comprenait pas ces intentions, ou alors elles lui
semblaient trop absurdes.
Morgan était un vétéran, d’accord. Il avait vécu un
événement douloureux quelques années auparavant, d’ac-
cord. « Et alors, quel rapport avec moi ? » se demanda
Jack. Une vengeance ? Mais qu’avait-il à voir avec cette
Au bout d’un long moment, toujours sans un mot,
Mike saisit la télécommande du téléviseur et sélectionna
une chaîne de sport. Jack prit son temps pour se décider
à se lever, toujours à l’affût du moindre détail. Il essayait
vainement de voir si Mike pouvait le manipuler d’une
manière ou d’une autre, mais comme celui-ci ne bougeait
plus du tout, il finit par se sentir ridicule et sortit en
lâchant un vague au revoir.
Dans le couloir, Jack fut submergé par un sentiment
nouveau. Il avait honte et se trouvait profondément ridi-
cule d’avoir douté de Mike. « Ce pauvre type est enfermé
ici, et voilà que je me mets en tête qu’il me manipule, je
deviens dingue. » Jack était perdu, incapable de choisir
entre plusieurs hypothèses. Celle d’un Mike manigançant
contre lui en lui faisant passer des messages par une sorte
d’hypnose, ou celle d’un Mike cherchant à le manipuler, à
moins qu’il ne soit tout simplement lui-même en train de
délirer sous l’effet de telle ou telle substance.
Son esprit divaguait et vérifiait maintenant dans ses
habitudes. Où avait-il bien pu être en contact avec une
drogue quelconque ? Il en vint presque à suspecter la
colle avec laquelle il réparait les livres, quand Morgan
surgit par surprise dans le hall des ascenseurs. Il arborait
son air scrutateur et glacial, les mains dans les poches, et
s’arrêta à quelques pas de Mike, les pieds écartés, dans
une attitude de bravade :
— Alors, Jack, tu veux te mesurer à qui ?