Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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Jack voulait à tout prix faire passer cette histoire
stupide de policier.
— Oui. C’était intéressant.
— Vous l’avez terminé ?
Jack regarda le livre et se dit que Mike avait dû le dévo-
rer vu sa taille. Il s’agissait d’un recueil d’histoires poli-
cières du siècle dernier qui se déroulaient pour la plupart
dans cette ville. Jack avait trouvé amusant de discuter
avec un repris de justice des traditions des brigands de
la ville.
— Oui, je l’ai lu. Vous savez, je n’ai pas beaucoup
d’autres choses à faire ici. Si on me donne un livre, je le
lis. Si on me donne une télé, je la regarde. Je ne peux pas
vraiment choisir.
— Oui, évidemment…
Jack ne savait pas quoi dire d’autre que des futilités,
il se sentait incapable de lancer un sujet de conversation
quelconque. Lui qui était d’ordinaire si sociable, la peur
continuait de le maintenir prostré sur son siège, le rendant
complètement idiot.
— Je vous impressionne à ce point ?
Jack resta interdit, sans expression, à regarder Mike,
comme fasciné par un serpent. Sa tête était de nouveau
envahie de bruits, de cris d’horreur, de lumières crues et
de chocs violents. Tout cessa d’un coup et il se rappela
soudain la question de Mike. Il n’était tout simplement
pas en mesure de répondre. Hébété et hagard, il se leva et
des hommes s’entretuaient. Le froid mordant du sol sur le
visage. Puis deux sabres entrecroisés qui brillaient dans
un flot de lumière diffuse.
Tout cela tenait dans une poignée de main, dans
quelques secondes. Jack fut le premier à faire mouve-
ment en arrière pour remettre d’aplomb son torse quelque
peu penché. Désarçonné, il revint comme d’un rêve dans
la chambre, dans sa propre réalité. Son premier geste
fut de toucher de sa main la forme de son autre main,
afin de sentir sa propre peau. Il se pinça même légère-
ment pour s’assurer de la fiabilité de ses sensations.
Malheureusement, cette sensation n’était ni plus ni moins
fiable et aiguë que celles qu’il venait de vivre.
Toujours parcouru de spasmes et de tremblements,
Jack avisa le fauteuil où il s’était assis la première fois et
s’y posa le plus doucement possible pour éviter de bascu-
ler. Il était engoncé dans son manteau et il attrapa les
bords de son col pour les éloigner un peu. Il respirait de
façon bruyante et Mike le regarda avec un air intrigué.
— Je ne vous attendais pas aujourd’hui. Avec ce
temps…
— Je suis venu avec la police. Je veux dire dans une
voiture de police, enfin…
Jack s’embrouillait et bafouillait, et Mike le regardait
maintenant avec un air amusé.
— La police ?
— Oui, un officier de police m’a amené ici. Vous…
vous avez jeté un coup d’œil au livre ?