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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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du jour était faible. Mike était assis exactement dans la 
même position sur son lit, la télévision allumée diffusait 
un reportage sportif sur la saison passée de courses de 
vitesse,  à  un  volume  assez  élevé.  Mike  le  baissa,  mais 
sans le couper. Cette fois, il répondit au salut de Jack.

Complètement déboussolé, et aussi un peu énervé 

contre  lui-même,  Jack  tenta  de  sourire  à  l’attention  de 
Mike qui, cette fois, n’avait pas allumé sa lampe de chevet. 
Celui-ci restait dans l’ombre, mais n’était pas invisible. 
Une fois habitué à la faible luminosité de la pièce, Jack 
put alors voir son regard et aperçut enfin le bras tatoué qui 
prolongeait la main tendue par Mike. Il eut alors comme 
un sursaut, s’avança, s’arrêta un peu trop loin du lit, puis 
leva sa main droite vers celle de son hôte.

Lorsque leurs deux mains se touchèrent, en une frac-

tion de seconde, Jack plongea dans un puits sans fond. Sa 
vue n’était plus brouillée, mais carrément portée par des 
visions d’une acuité et d’une précision bien plus fortes 
que la première fois. C’était un peu comme si l’on piratait 
son champ de vision. Il reçut avec brutalité des dizaines 
d’images en même temps. Et d’ailleurs, pas seulement des 
images, mais aussi des sensations, des sons parfois en 
contradiction avec ces visions.

Du sang, des larmes, des coups de feu tirés tout près de 

lui et l’impression d’être sourd comme après une violente 
explosion. Des hurlements, des uniformes grisâtres, des 
détonations de plus en plus nombreuses, des chevaux qui 
galopaient  dans  tous  les  sens.  Une  scène  de  guerre  où 

le hall des ascenseurs. Il parvint à l’étage de la chambre 
de Mike et chercha Morgan. Il n’y avait presque personne, 
seuls  une  infirmière  et  un  aide-soignant  taillé  comme 
une armoire à glace devisaient au comptoir. À nouveau, 
il annonça sa visite et ils lui firent signe d’y aller, presque 
sans interrompre leur conversation. Jack se dirigea vers 
le couloir et s’arrêta devant le sas. Il était essoufflé et son 
front suait à grosses gouttes.

La peur revenait, plus forte et plus angoissante encore 

que la première fois, comme une impression de chute 
sans  fin.  Jack  observa  sa  main  qui  tremblait  devant  le 
lecteur optique du sas, il vit à peine la porte coulisser et 
commença à marcher dans le couloir comme s’il avançait 
dans le blizzard, de façon maladroite et saccadée. Ses 
jambes pesaient des tonnes, il progressait avec difficulté 
et ressentait clairement l’envie de rebrousser chemin.

Debout devant la chambre de Mike, il réussit à lever 

le  bras  et  à  frapper  à  la  porte  avant  une  dernière  hési-
tation. Il craignait qu’on le voie pétrifié dans le couloir 
et jeta alors un rapide coup d’œil par-dessus son épaule. 
Personne ne l’observait, mais il ne fut pas plus à l’aise 
pour autant. La voix de Mike répondit, avec une nuance 
d’étonnement.

Jack tourna la poignée et poussa la porte en s’appuyant 

dessus. Il ne respirait plus normalement et il avait une 
sorte de voile noir devant les yeux. Il ne voyait plus bien, 
mais s’avança dans le vestibule en se tenant aux parois. Le 
store était de nouveau incliné, et de toute façon, la lumière 

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