Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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souci qui semblait parfaitement naturel à Jack, une sorte
de solidarité évidente. Il ne pouvait pas admettre que l’on
pouvait laisser tomber des gens au bord d’une route en
pleine tempête de neige.
Ils s’arrêtèrent à mi-parcours pour manger dans une
station-service. Un officier de police annonça à la sono
que la dernière partie de leur route était sous le contrôle
des chasse-neiges. Jack et Lydie se rendirent compte
qu’ils se trouvaient à la limite des deux États. Le voyage
serait encore long.
La nourriture leur sembla à la fois trop grasse et trop
copieuse, mais en même temps agréable, parce qu’un peu
sucrée et tendre. Chez eux, ils ne mangeaient pas comme
la plupart des gens, mais c’était le genre de cuisine qu’ils
avaient toujours connu et qui revêtait ce soir-là un côté
rassurant.
Jack et Lydie menaient une vie un peu à l’écart de la
société, ils ne participaient que rarement aux grands rassem-
blements, mais ce soir, ils s’estimèrent plutôt contents de
pouvoir se fondre dans la masse, dans ce groupe de voya-
geurs qui s’échangeaient des informations sur la météo,
l’état des routes et des voitures. Comme cela arrivait souvent
dans ce genre de situation, une mère de famille vint les
voir pour leur demander leur destination. Ils allaient vers
la même ville et elle leur présenta trois autres groupes qui
s’y rendaient également. Ils convinrent de rouler ensemble
jusqu’aux faubourgs, en caravane. Il y avait dans le lot une
famille d’immigrés pakistanais, un couple de noirs, la dame
d’affaires assez lourdes et leurs gros sacs étaient encom-
brants. Il avait beaucoup neigé pendant la nuit et le paysage
en était changé. Par ailleurs, le sentier de pierres qui menait
de la maison de bois à la place de stationnement étant invi-
sible, ils avaient décidé de tracer au plus court leur propre
chemin qui s’avéra à l’usage particulièrement glissant.
Avec la neige, les quatre heures de route de l’aller
devinrent six longues heures de conduite fatigante. Il y
avait cette fois-ci d’énormes camions transportant d’im-
pressionnants troncs d’arbres. Les chargements dépas-
saient largement de l’arrière des remorques, et certains
n’avaient même pas de lumignon rouge pour le signaler.
Lydie fut épuisée au bout de deux heures de route et Jack
dut prendre le volant à son tour. Jack détestait conduire
et préférait faire le copilote, ce qui lui laissait le loisir de
lire les cartes de long en large, une de ses marottes. En
général, il empruntait les transports en commun de leur
ville, plutôt bien tenus et pratiques, et Lydie utilisait la
voiture pour transporter ses matériaux et aller au marché.
Lydie aimait bien l’individualisme de l’automobile, alors
que Jack préférait le côté social et économique des trans-
ports publics. Et à vrai dire aussi parce qu’un trajet en bus
était une occasion supplémentaire de lire.
Le chemin du retour serpentait dans un massif monta-
gneux et la neige commençait à envahir la route, tous les
véhicules se suivaient à distance sur une seule file, et Jack
devait surveiller autant celui de devant que celui qui appa-
raissait faiblement dans le rétroviseur. C’était le genre de