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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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fenêtre qui l’observait depuis le pavillon. Il pensa immé-
diatement à Mike, mais l’ombre recula et disparut. Il prit 
une  profonde  respiration  et  commença  à  suivre  un  des 
sentiers qui partaient de l’église.

La  marche  finit  par  réguler  son  souffle,  il  arrivait 

maintenant à réfléchir et à repenser calmement à ce qui 
venait de se passer. Il lui parut rapidement assez clair 
qu’il y avait quelque chose d’inexplicable dans l’impact 
ahurissant que cette rencontre avait eu sur lui. Il y avait 
une cause inconnue à sa panique, rien de tout ça n’était 
normal, rien de tel ne lui était jamais arrivé. Il avait déjà 
eu peur de certaines épreuves, mais jamais une rencontre 
n’avait produit sur lui un effet semblable. Il y avait autre 
chose. « Mais quoi ? » s’interrogea-t-il en remontant le 
col de son manteau dans le vent froid.

D’où  provenaient  toutes  ces  images,  ces  sensations 

qui jouaient sur tous ses sens ? Il énuméra mentalement 
les épisodes de la vie de Mike qu’il connaissait tout en 
essayant  de  retrouver  les  flashs  qui  lui  étaient  apparus 
là-haut. Mike avait donc participé à une bagarre violente 
dont un homme était ressorti infirme, et on l’avait accusé. 
Le  type  avait  eu  la  colonne  brisée  à  coups  de  pied.  Il 
s’agissait  d’une  de  ces  sordides  bagarres  de  fin  de  nuit 
dans un bar, autour d’une sombre histoire de fille. Mike 
était d’ailleurs coutumier du fait, à l’époque, semblait-il, 
mais jamais ces embrouilles ne l’avaient mené devant un 
jury pour répondre d’un crime. Ses antécédents violents 
avaient joué contre lui, il était, parmi les individus arrê-

— « Indisposé » ?
Morgan eut un air carrément narquois.
— Écoutez, je n’ai pas l’habitude d’avoir ce genre de 

réaction, il y a autre chose que cette simple rencontre. 
Je ne sais pas ce que j’ai, mais ce n’est pas cet ex-taulard 
dans son pyjama qui me fait cet effet-là !

Là, Jack avait effectivement élevé la voix. Il se sentit 

un peu ridicule, il n’aurait pas dû perdre son calme devant 
Morgan. Mais son attitude devenait insupportable. Il 
aurait aimé bénéficier d’au moins un soutien, même feint 
et  méprisant,  mais  là,  cet  air  presque  satisfait  semblait 
dire  :  «  Rentrez  chez  vous,  Monsieur,  retournez  à  vos 
rayonnages, ici on s’occupe de la vraie vie des vraies gens, 
c’est un peu trop dur pour vous… » Jack était remonté, 
vexé, piqué au vif. Il s’était rarement senti aussi décidé, 
volontaire envers et contre tout.

Morgan le salua sans dire un mot et tourna les talons, 

le laissant seul sur le palier. Jack se dirigea alors vers les 
ascenseurs, en prit un qui était en fait un énorme monte-
charge aux parois usées par mille chocs de lits, de chariots… 
Parvenu au rez-de-chaussée, Jack entreprit de sortir de 
l’hôpital à pied. Il se dit que l’air vif de l’hiver lui ferait 
du bien. Il s’éloigna du bâtiment et tomba sur le parvis de 
l’église. Il en fit le tour, observa les statues, manquant de 
perdre l’équilibre alors qu’il se pencha trop en arrière pour 
les regarder d’en bas. L’air froid lui montait à la tête.

Alors qu’il allait se mettre en route vers ce qu’il esti-

mait  être  la  sortie,  il  crut  apercevoir  une  ombre  à  une 

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