Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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tremblement se généralisa. Il marcha de plus en plus vite
vers le sas du couloir, se retrouva bloqué devant la porte,
tapa du poing pour qu’on lui ouvre. Morgan, goguenard,
lui montra du doigt son badge en tapotant. Jack arracha le
sien, chercha nerveusement le lecteur qu’il avait pourtant
remarqué en entrant, puis la porte s’ouvrit enfin.
Il se mit presque à courir en passant devant Morgan,
avisa la porte des toilettes de l’étage et s’y enferma.
Après avoir lavé ses mains moites, il s’aspergea longue-
ment le visage d’eau glacée. Il resta un bon moment dans
ces toilettes, appuyé contre le mur, à se sécher à grand
renfort de serviettes en papier. Calmé, il sortit et fit face
à Morgan, qui le toisa :
— J’imagine que vous ne vous attendiez pas à une
telle rencontre. Reviendrez-vous la semaine prochaine ?
— Bien sûr ! Je me suis engagé à le faire !
Jack se surprit lui-même par sa véhémence. Il avait
presque crié.
— Si vous êtes si sûr de vous… Rien ne vous y oblige.
Je n’ai pas choisi Mike pour rien, ce n’est pas un client
facile. Si vous ne tenez pas le choc, ce n’est pas grave.
Mais puisque vous êtes un des seuls hommes volontaires
pour des visites et que j’ai des numéros comme celui-là
à qui je ne peux décemment pas confier des dames… j’ai
pensé que vous pourriez convenir…
— Je vous dis que je reviendrai. Je dois être indisposé
par mon repas d’hier, ce n’est pas Mike, le problème.
Ne vous méprenez pas.
secondes. Sa poitrine lui semblait au bord de l’implosion,
son cœur prêt à éclater, à jaillir hors de lui. Il ne pouvait
pas se voir, mais il s’imaginait livide, le front trempé de
sueur froide. Ses mains laissaient des traces humides sur
les surfaces qu’elles touchaient au fur et à mesure de sa
progression lente et désordonnée. Il reculait vers la porte,
incapable de tourner le dos à Mike, obsédé par sa présence
totalement silencieuse. Ses jambes le trahissaient, il butait
doucement dans les murs et les meubles qui encombraient
sa route aveugle. Arrivé à l’angle du vestibule, il parvint à
bredouiller en se tournant vers la porte :
— Je vais vous laisser. Vous pourrez lire tranquille-
ment, je reviendrai la semaine prochaine. Portez-vous
bien.
Jack considéra qu’il pouvait maintenant fuir. Ses
dernières ressources d’adulte responsable l’abandon-
naient, il ne pensait plus qu’à quitter cette chambre, quit-
ter le pavillon, quitter l’hôpital. Alors qu’il tendait la main
vers la poignée de la porte, Jack entendit un raclement de
gorge visqueux et sifflant, puis la voix éraillée et rauque
de Mike qui lui saisit le cœur.
— Il y a bien longtemps que je n’ai pas lu un livre.
Merci, Monsieur.
Jack se retourna, mais Mike avait déjà basculé les lames
du store, son visage était à nouveau dans la pénombre, et
son pouce remontait le son du téléviseur. Jack ouvrit la
porte en cherchant l’air. Parvenu dans le couloir, il sentit
reculer le malaise. La tension le laissait pantelant, son