Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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reçus, des peines et des déceptions, Jack subissait, comme
un énorme contrecoup, une monstrueuse mise à jour de
ses sensations et sentait parfaitement que tout cela ne lui
appartenait pas.
« Il faut que j’arrête de fantasmer sur la vie de ce type,
je suis en train de devenir fou ! » Jack réussit péniblement
à revenir dans la chambre, à ouvrir les yeux et à retrouver
une attitude « normale ». La respiration désordonnée, le
ventre plié couvert par ses bras croisés, Jack hasarda une
nouvelle question.
— Vous êtes satisfait de la façon dont on vous traite
ici ? Je veux dire, le surveillant-chef a eu l’air de vouloir
vous provoquer tout à l’heure, non ? Il me semble que…
Il s’enfonçait et l’autre ne faisait rien pour le rattraper.
Il ne répondait à ses questions que par des airs de plus en
plus méprisants et distants. Bientôt, il remonterait le son de
la télévision pour signifier la fin de l’entrevue. Pour s’éviter
cette ultime humiliation, Jack se redressa et atteint péni-
blement l’équilibre. La chambre semblait bouger comme
une cabine de bateau, et il se tenait aux parois.
Au bord de la chute, il eut la désagréable impression
d’étouffer, comme si son torse était pris dans une étreinte
violente. Quelque chose voulait l’empêcher de respirer.
Jack éprouva, de façon saccadée, désordonnée et incom-
préhensible, des émotions comme s’il s’agissait de ses
propres souvenirs. Il ressentit la rage qui peut pousser à
commettre l’irréparable, le désespoir de l’abandon, tout
cela mêlé, comme par flashs, en l’espace de quelques
confiance de quelqu’un en lui faisant savoir qu’on a lu des
éléments sur lui… « Je deviens stupide, pensa Jack, il faut
que je me sorte de là. »
Le malaise revêtit des formes nouvelles : son ventre
était comme pris de spasmes violents, il bafouillait et
cherchait ses mots. Il se ridiculisait et craignait la situa-
tion. Mike ne faisait rien pour changer cela, au contraire.
Le pire était à venir.
Un spasme plus dur que les précédents fit se pencher
Jack. À nouveau, des visions lui vinrent, plus bruyantes
et mobiles. Des cris de femme entendus de trop près,
cette impression que ses oreilles se bouchaient parce que
le bruit était trop proche, comme lorsque quelqu’un vous
hurlait à l’oreille, ou lorsque l’on hurlait soi-même. Des
mains sur le cou d’un homme au visage tatoué, dans un
espace blanc immaculé, étouffant et vaporeux. Une mare
d’eau froide dans laquelle on trempait tout habillé. Des
personnes en uniforme militaire qui couraient dans tous
les sens. La lune, le ciel, les nuages aperçus à travers
un grillage si fin qu’il rendait tout flou. Le visage d’un
homme brun vu de trop près qui tournait de l’œil. Des
dizaines de sensations, dont certaines totalement incom-
préhensibles, des odeurs pestilentielles, le froid…
À nouveau, Jack perdit complètement le fil des événe-
ments qui l’avaient conduit ici et sombra à l’intérieur de
lui-même. Il ferma les yeux et les visions redoublèrent
d’intensité. Elles étaient encore plus rapides et leur acuité
devenait presque douloureuse. Des coups, donnés et