Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
35
34
être encore sa télévision, Mike n’avait décidément pas
envie de marquer la moindre courtoisie. Il ne répondit
pas au « bonjour » de ses visiteurs.
Jack et Morgan s’assirent sur deux fauteuils, le genre
de meuble typique sur lequel on dormait aux côtés d’un
malade que l’on était venu veiller, et leurs têtes se trou-
vaient plus bas par rapport au regard de Mike. L’abat-jour
de la lampe ne cachait plus l’ampoule, ils étaient éblouis
par la lueur. Morgan tendit le bras et changea l’inclinai-
son des lames du store pour rétablir la luminosité dans la
pièce. Mike apparut enfin aux yeux de Jack.
Il était encore un peu plus vieux, mais son air était
différent. Ce n’était plus l’épave de la photo anthropo-
métrique. Mike arborait aujourd’hui une mine bravache.
Il regardait Jack fixement, de travers, la tête appuyée sur
son oreiller. Il avait aussi l’air plus soigné, ses cheveux
longs n’avaient plus l’apparence de gras mouillé, sa barbe
était taillée et ses ongles pas coupés étaient propres.
L’hôpital prenait soin de lui et lui avait rendu la force
d’être plus provocateur, de mettre en scène son apparition
en déplaçant sa lampe de chevet, en somme de passer à
nouveau pour un fier-à-bras.
Jack fut à la fois subjugué et terrifié par ce regard. Les
photos et la petite histoire qu’elles racontaient lui avaient
laissé croire qu’il éprouverait de la pitié pour l’être qu’il
découvrirait, qu’il se sentirait non pas à l’aise, mais au
moins protégé face à Mike. Or il ne s’estimait pas le moins
du monde supérieur en cet instant, au contraire, il avait
immense, dirigés du haut d’un hélicoptère, des chiens en
meute. Une salle coupée en deux par un mur de plexiglas,
et derrière, le visage presque inconnu tellement il semblait
vieilli d’une femme qui pleurait. Un jeune homme arro-
gant, sûr de lui, qui s’adressait à douze personnes complè-
tement ahuries. Des fourgons, des ambulances. Et tout
cela, les yeux grands ouverts.
Jack parvint à se raccrocher à la réalité et à chasser les
images qui l’assaillaient. Il inspira profondément et reprit
contact avec l’espace et le moment. Hébété, il tenta de
se rassurer en mettant ces visions sur le compte de son
imagination impressionnée par les pièces du dossier. Il
se dit que tout cela devait beaucoup le travailler. Il refit
surface et sourit stupidement à Morgan, qui l’observait,
l’air plutôt inquiet. Celui-ci fit un signe de présentation
de la main droite en direction du lit où se trouvait Mike.
Ce dernier avait orienté sa lampe de chevet de manière
à maintenir son visage dans l’ombre, on devinait à peine
ses traits. Jack vit d’abord les énormes tatouages sur ses
avant-bras, trop complexes et baveux pour qu’il puisse
examiner ce qu’ils représentaient. Mike reposait sur son
lit, dont la tête relevée faisait comme un immense fauteuil.
Une main sur l’accoudoir tenait la télécommande de la
télévision, qui pendait du mur sur un bras articulé.
La seule réaction de Mike à l’arrivée de Morgan et
Jack fut un imperceptible mouvement de son pouce, qui
abaissa le son à un niveau presque inaudible, sans toute-
fois le couper complètement. Invisible, regardant peut-