Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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cette chambre ressemblait à une cellule que Jack paniquait
presque. Il y avait autre chose. Il n’était pas possible qu’il
panique au sujet d’éléments aussi simples, même mêlés
et embrouillés. Ce n’était pas cela qui l’oppressait autant.
Jack prit conscience du fait que sa peur lui semblait ne
pas être la sienne propre, et au lieu de le calmer, cette
pensée le fit presque s’effondrer.
Jack, debout à l’entrée de la chambre, était incapable
de bouger, d’aller vers un siège ou vers le lit de Mike,
ou même de faire un signe. Pétrifié et tremblant, il fut
comme absent de la pièce quelques instants. Son regard
ne voyait pas l’intérieur, ou seulement d’une façon réflexe.
Il ne prêtait pas encore attention à ce lieu nouveau.
Durant une bonne dizaine de secondes, Jack fut comme
suspendu, il ne remarqua pas du tout le regard de Morgan
braqué sur lui, il était ailleurs. Des images, certaines
bien nettes, lui vinrent à l’esprit, des sons aussi, celui des
menottes que l’on passait aux poignets lors d’une arres-
tation, celui, confus et presque inhumain, d’une bagarre
dans un lieu confiné où l’on se battait à mort. Un cachot
presque complètement obscur et des plaintes hurlées au
loin. Un appartement d’une saleté invraisemblable rempli
de déchets et de tout petits paquets en papier plié, et une
femme qui souriait en tenant une cuillère à café au-dessus
d’une bougie. La même femme allongée, nue sur le dos
dans un drap sanglant, et des escaliers de secours déva-
lés à toute vitesse. D’autres images, plus floues et plus
remuantes encore. Des projecteurs sur la rive d’un fleuve
la ville et s’était fait prendre hors de l’État. Et puis, cette
histoire compliquée de racket et de trafic, au terme de
laquelle Mike avait étranglé son dealer qui avait voulu le
faire éliminer. Mike avait failli mourir en s’injectant un
produit à la fois trop pur et rempli d’impuretés. Lui-même
revendeur, on avait voulu se débarrasser de lui, et il s’était
vengé de la façon la plus simple, en tuant celui qui avait
envisagé de le supprimer. Cette fois, toutes les preuves
étaient contre lui. Son avocat l’avait convaincu de plaider
coupable et avait obtenu une peine alternative, dans le
cadre d’un nouveau programme de « sevrage sous contrôle
médical renforcé ». Toutes ces histoires prenaient subite-
ment une forme presque concrète pour Jack alors qu’il
avançait dans le vestibule.
C’était une grande chambre d’hôpital, peut-être prévue
pour deux lits. Celui de Mike se trouvait près de la fenêtre
grillagée qui donnait sur l’église. On pouvait immédia-
tement sentir que l’occupant des lieux y vivait depuis
assez longtemps et savait qu’il y resterait encore un bon
moment. Quelques posters de rock stars et de voitures
de sport avec des filles dénudées sur le capot, une masse
de disques près d’un radiocassette antédiluvien, quelques
objets bizarres, des figurines en plastique sur la table de
nuit… Mike avait décoré sa chambre comme on s’appro-
prie une cellule. Jack eut le sentiment de se trouver dans
un lieu avec une double identité, mais cette fois, le malaise
était beaucoup plus fort, et cette impression d’étrangeté
était presque palpable. Ce n’était pas seulement parce que