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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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prendre le dessus sur la peur. Trac, appréhension… Non. 
Jack avait tout simplement peur, pour la première fois 
depuis longtemps. Il suait alors qu’il n’avait pas chaud, 
ses mains tremblaient légèrement le long de son corps, 
son dos était parcouru de frissons. Jack était mal à l’aise, 
et cela se voyait. Il se sentait observé par cet infirmier en 
chef, martial et désagréable, et même pas du coin de l’œil.

À croire que la pression de Morgan finit par avoir prise 

sur  lui.  Jack  repensa  au  dossier  de  Mike,  aux  descrip-
tions brèves, mais lourdes de sens des actes de Mike. 
La première bagarre, ou plutôt, la première qui lui avait 
valu une condamnation et qui l’avait fait basculer, les 
coups  portés  à  un  homme  à  terre  dont  il  avait  brisé  la 
colonne. Dix ans de pénitencier. Jamais une permission, 
Mike n’était pas un détenu rangé, il avait effectué toute sa 
peine. Une autre bagarre en prison, au cours de laquelle 
un prisonnier était mort étouffé, sans qu’on sache par qui. 
Une enquête interne avait suspecté Mike, mettant fin à 
tout  espoir  de  libération  conditionnelle.  Une  prostituée 
avait été retrouvée défigurée dans l’appartement qu’elle 
partageait avec Mike, qui était retourné en prison alors 
qu’il  clamait  son  innocence  et  avait  plaidé  à  nouveau 
non coupable, le jury s’étant décidé davantage en fonc-
tion des rapports qu’il entretenait avec elle que des faits. 
Il fut condamné comme un maquereau qui aurait puni 
une de ses filles, bien qu’elle était revenue sur ses accu-
sations. À nouveau cinq ans derrière les barreaux, cette 
fois en pénitencier fédéral, car Mike avait tenté de fuir 

ancien  infirmier  militaire  que  ses  blessures  intérieures 
poussaient à se venger sur les autres. Il se hasarda même 
à se demander si le service de psychiatrie était vraiment 
adapté pour Morgan. N’était-il pas un peu mal placé pour 
prendre soin de malades ? Morgan sortit de la pièce et mit 
fin aux réflexions de Jack. Il lui fit signe d’avancer dans le 
couloir vers les chambres.

Le mot « chambre » correspondait en fait assez mal 

à la réalité. « Cellule » aurait été plus juste. Le bout du 
couloir où elle se trouvait était lui aussi bloqué par un sas à 
lecteur de code, dans les deux sens, nota Jack. Impossible 
de sortir sans son badge. Tout cela évoquait beaucoup 
plus une prison qu’un hôpital. Jack pensa que l’infirmerie 
d’une grande prison devait être en tous points semblable, 
un morceau de prison qui ressemblait à un hôpital. Ici, 
c’était  l’inverse,  et  la  différence  notable  résidait  dans 
le fait que personne ne portait d’autre uniforme que la 
blouse médicale, à part les gardiens au rez-de-chaussée 
du pavillon, mais on pouvait voir les mêmes dans tout 
l’hôpital. Il n’y avait pas d’arme visible non plus.

La porte de la chambre de Mike ne comportait pas de 

verrou apparent, comme toutes les chambres d’hôpital. 
En revanche, la serrure était équipée d’une gâche élec-
trique à l’extérieur : on pouvait donc enfermer Mike, sans 
doute depuis le pupitre situé avant le sas du couloir. « Un 
étrange mélange d’hôpital et de prison, décidément », se 
répéta  Jack  en  passant  la  porte,  ses  yeux  guettant  tous 
les détails, son esprit en alerte, la curiosité tentant de 

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