Jean-DiDier
et si c’était DéJà écrit ?
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Morgan avait lui aussi l’air nerveux. Il ne cessait de
regarder sa montre et de vérifier l’état de son messager
de poche qui pendouillait à sa ceinture. Il passa un coup
de fil pour régler quelques affaires, toujours sur le même
ton. Il n’était pas inhumain, hasardait même quelques
plaisanteries, mais ne changeait presque jamais de ton, ce
qui rendait son humour glaçant. Il observait Jack pendant
qu’il parlait, avec son air qui ne correspondait pas à ce
dont il était en train de traiter. Jack en vint à considérer
que Morgan souffrait d’un mal étrange : en permanence
sous pression, et pressurant lui-même les autres, il tentait
peut-être de cacher son mal-être de vétéran. « Cet air
impassible doit être un masque », pensa Jack en l’obser-
vant à son tour.
— Vous pouvez m’attendre dans le couloir.
Il avait dit ça dans la suite d’une phrase de sa conver-
sation téléphonique, sans changer d’intonation, en
couvrant le combiné. Cela n’avait pas sonné comme une
proposition ou une invitation, mais plutôt comme une
injonction, presque un ordre. Jack prit sur lui pour ne pas
réagir, pour ne rien montrer de son angoisse à l’idée de
rencontrer Mike. Morgan lui courait sur les nerfs, et la
seule défense qu’il pouvait lui accorder était de se dire
que ce type était mal dans sa peau, qu’il faisait payer
au reste du monde une souffrance terrible. « C’est bien
ma veine », pensa Jack. Il aurait, comme n’importe qui,
préféré un personnage féminin et gentil, une femme mûre
et précautionneuse. Au lieu de cela, il avait droit à un
la chemise cartonnée sans mot dire. Morgan l’ouvrit, fit
le compte des pièces qu’il contenait, attrapa le bordereau
que Jack avait signé en prenant possession du dossier,
tamponna trois feuilles, en détacha une et la posa devant
Jack, qui continuait d’observer l’église.
— Ceci indique que vous m’avez bien restitué un
dossier complet. Voici vos déclarations. Je vous rappelle
que votre signature vous engage personnellement.
— J’imagine que c’est à ce moment-là que vous atten-
dez des volontaires qu’ils se dégonflent ? lança Jack en
souriant, alors qu’il s’asseyait en face du bureau pour
parcourir les papiers avant de les signer.
Morgan le dévisagea à nouveau d’un de ses longs
regards silencieux. Jack le sentit, mais ne releva pas la
tête, afin de signifier que cette surveillance ne lui faisait
pas peur. Morgan laissa passer un sourire que Jack vit
lorsqu’il lui tendit les trois formulaires signés. Le surveil-
lant lui fournit par ailleurs un badge plastifié avec sa photo
surmontée d’un énorme code-barre portant la mention
« visiteur » en travers.
— J’imagine que ce badge ne me donne pas accès à
tout l’hôpital…
— Non. Vous pouvez passer les sas de ce service
aux heures de visite et, durant la journée, tous les sas
de communication entre les pavillons, comme les souter-
rains et les passerelles que nous avons pris pour venir. La
nuit, votre badge n’en ouvre aucun. Maintenant, je vais
vous conduire à la chambre de Mike.