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d’un  pittoresque  riche,  et  qu’ils  modifient  journellement  de  façon  à  pouvoir 
converser en déroutant la renifle (la police). 
Ils  affectionnent  les  tatouages,  comme  les  criminels  endurcis,  les  inscriptions 
provocantes ou fatalistes : « Mort aux vaches », « Vive l’anarchie », « Né sous 
une mauvaise étoile », « Le bagne sera mon tombeau. » Certains affectionnent 
les montants d’une guillotine avec la mention « dernière étape ». 

 

L’Apache a trois haines : le bourgeois, le flic, le travail. Il nargue la société en 
place,  fronde  les  autorités  et  méprise  les  travailleurs  honnêtes,  les  ouvriers : 
esclaves avachis.  

Bien que leur violence soit surtout à usage interne, ils ne reculent pas devant la 
manière  forte  ;  et  leurs  victimes  sont  aussi  bien  des  faibles  que  des  nantis. 
Apacherie n’est pas chevalerie. 

Ils n’ont pas de projet et vivent dans le fracas de l’instant. Ils savent que ça finira 
mal, et soupçonnent leur avenir. 

 

Quelques  années  plus  tard,  la  guerre  :  veuve  suprême,  aura  finalement  raison 
d’eux. 

Ainsi finiront les Apaches. 

Mais en attendant… 

Devant l’établissement s’empressaient une foule de pauvres hères, tous tenant à la 
main  des  gobelets  de  gin  ou  de  whisky,  qu’ils  buvaient  à  petits  coups,  se 
gargarisaient avec le liquide âcre et entêtant, renouvelant leurs consommations 
à  intervalles  réguliers,  inlassablement,  semblait-il,  jusqu’à  complet  épuisement 
des quelques sous qu’ils avaient pu amasser dans la journée. 

(Elle était grosse, mal bâtie, vulgaire, et bon enfant. Derrière ses lunettes 

rondes pétillaient des yeux changeants qui perpétuellement clignotaient avec malice. 
Une lourde chevelure d’un mauvais gris bouclait irrégulièrement autour du visage 
ridé de la vieille femme, que par un reste de coquetterie, celle-ci se complaisait à farder 
outrageusement.) 

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