background image

47 

 

 

9.  TAVERNE DU « COCHON QUI FUME » 

SEPTEMBRE 1909 - INTÉRIEUR / NUIT 

Derrière  le  viaduc  du  « Point  du  Jour »,  immédiatement  après  la  grille  de 
l’octroi qui va des bords de Seine aux fossés des fortifications, où s’obstinent à 
pêcher quelques disciples de la gaule, accoutumés aux perpétuelles bredouilles, les 
quais  prennent  l’aspect  tout  spécial  avec  leur  enfilade  de  guinguettes,  leurs 
établissements de plaisirs bon marché… 

 

C’est à partir de 1902 que le nom d’Apaches est employé pour désigner une bande 
de jeunes dont les méfaits faisaient trembler Belleville.  

 

En tout cas, qu’ils en soient ou non les inventeurs, les jeunes se sont reconnus dans 
cette image indienne, ils s’en sont revendiqués et l’ont adoptée comme symbole de 
leur mobilité frondeuse et de leur esprit bagarreur.   

 

Les Apaches ont cristallisé une peur latente : celle qu’une société vieillissante et 
pourtant en pleine mutation éprouve devant ces derniers rebelles à la discipline 
industrielle : les jeunes qui ne veulent pas travailler.  

Il  est  né  sur  le  pavé  de  Paris.  Tout  gosse,  il  se  traîne  dans  les  ruisseaux  des 
quartiers de la périphérie ou de la banlieue. Il vagabonde, vit de petits métiers, 
ou de petite maraude, nargue la police qui, dans les secteurs populaires, passe le 
plus clair de son temps à pourchasser les garnements. Il se forme de petites bandes 
de quartiers, bandes mixtes où les filles sont moins nombreuses et d’autant plus 
désirées.  

  

L’Apache aime être bien mis sans être bourgeois : casquette à pont, plate, ronde 
ou  gonflante,  veste  courte  et  cintrée,  pantalon  à  pattes  d’éléphant,  foulard  de 
couleurs vives, bottines à bout pointu et boutons dorés. 

 

Ils revendiquent très haut le droit à la différence et reprennent à leur compte la 
tradition  des  bas-fonds.  Ils  dévident  « le  jarre  »,  l’argot,  cette  langue  des 
malfaiteurs à laquelle ils ajoutent chaque jour de nouvelles expressions, parfois 

47 / 257