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L’inconnu était dominé.
En quelques phrases, le Maître avait réussi à le soumettre et à lui insuffler la
volonté d’obéir. Et, une fois de plus, ses deux spectateurs comprirent tout ce qu’il
y avait en lui de force, d’autorité et de persuasion.
Quant à lui, Fantômas éprouva un sentiment profond d’orgueil. Pour la
première fois peut-être, il prit conscience de l’ascendant qu’il exerçait sur les
autres, et de la puissance vraiment extraordinaire avec laquelle il imposait ses
décisions.
Elle le regardait !
Toute une palette de sentiments passait dans ses yeux turquoise.
À peine plus jeune que lui, des lèvres voluptueuses, les yeux pleins de rêves, un
frais visage de blonde, rose et délicat, avec des cheveux pâles, un air si doux et
tant de charme.
Fantômas incarnait toujours à ses yeux, comme à ceux des gens avisés, le mystère,
l’inquiétude, la duplicité, le crime… Du moment qu’il se passait quelque chose
d’anormal rien n’était plus naturel que de croire à l’intervention, souvent
probable, toujours possible de l’insaisissable Fantômas.
Entre ces deux êtres, ces deux êtres tragiques, qui depuis des années s’aimaient et
se haïssaient à la fois, l’Insaisissable, le Roi du crime, le tortionnaire dont le nom
seul engendrait l’effroi, et la Comtesse de Sminovitch qui était bien, en effet, sa
complice d’autrefois, son ancienne maîtresse, lady Beltham… entre cet homme
qui n’avait reculé devant rien, et cette femme jeune et belle, qui avait tout osé par
amour pour lui, un silence abominable planait.
Mais voilà, ils étaient tous les deux inséparables. Parfois les périodes de
séparation duraient des mois, mais tout comme les alcooliques sont attirés par le
rayon des spiritueux après une période d’abstinence, ils retournaient toujours l’un
vers l’autre pour en redemander.
Alors qu’ils se regardaient, depuis quelques instants, chacun sur la réserve, ils se
serrèrent l’un contre l’autre pendant bien plus longtemps.