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MICKEY
(Le visage penché par l’entrebâillement de la porte)
Ah ! Le petit Ackermann !
Entrez jeunes gens !
Épuisé, haletant, il se laisse lourdement tomber dans l’unique fauteuil de la pièce,
une grosse chose en cuir usé, craquelé, dans laquelle il s’enfonce et s’abandonne.
Grand et gros, avec un ventre qui se bat contre les boutons de sa chemise et qui, à
un endroit au moins, a déjà gagné.
Le bureau en piteux état doit vraisemblablement provenir du matériel de rebut
d’une école ; le meuble de forme carrée est muni de chaque côté de trois tiroirs
qu’on a du mal à ouvrir. Les deux fauteuils destinés aux clients sont des sièges
pliants, l’un noir, l’autre d’un vert dont on n’imagine même pas l’existence.
Les murs décolorés dont la dernière couche de peinture remonte à plusieurs
décennies ont pris avec le temps une nuance jaune citron très pâle. Le plâtre est
craquelé ; les araignées ont colonisé les angles du plafond. Pour unique décoration,
une affiche encadrée invite à une manifestation pour la justice sociale à la date du
10 juillet 1928.
Les lames du parquet de chêne sont arrondies sur les bords, le signe d’un usage
intensif en d’autres temps. Le balai qui a récemment servi à nettoyer le sol, a été
posé contre le mur, avec sa pelle à poussière, une discrète invitation à prendre le
relais.
L’autre pièce, exclusivement réservée à son usage personnel, tient de la tanière de
l’ours, du terrier de la marmotte, enfin de tous les gîtes de mammifères
notoirement peu sociables.
MICKEY (Il semble fatigué, ainsi avachi dans son fauteuil)
Vous savez ce que j’ai là ?
Des photos compromettantes !
Mais asseyez-vous ! Asseyez-vous !
Oui ! Très compromettantes !
Tout un paquet !
De toute façon, il n’y a que ça ici.