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Il fait partie de ces gens sur lesquels les bibliothèques exercent une attraction
magnétique, irrationnelle. Souvent à raison, parfois à tort, il reste persuadé que
tout livre porte en soi une promesse d’intelligence. Le seul fait de les contempler,
de palper leur reliure, d’ouvrir quelques pages, c’est déjà, imbiber son esprit d’une
encre ruisselante de savoir. Devant une bibliothèque, il est comme un glouton
affamé face à une vitrine gorgée de délicieuses pâtisseries.
CALVIN
ARMSTRONG (Il s’arrête devant la grande table sur laquelle son
ami Aaron est penché)
Pourriez-vous, cher monsieur, me fournir le
résultat - sans arrêt changeant, certes - de
la course que se livrent les deux aiguilles
sur l’objet qui entoure votre poignet !
AARON
ACKERMANN (Fixe avec attention son ami qui se déjette sur lui)
Ah ! Calvin, te voilà !
À cet instant précis, un vieil homme, s’approche.
VIEIL HOMME
À l’élégiaque, je n’ai qu’une chose à dire :
regarde au loin mon ami… regarde au loin !
(Sur un ton plus confidentiel) Il faut que je vous dire que
presque toujours, le mélancolique est un
homme qui lit trop !
L’œil humain n’est point fait pour cette
distance ; c’est aux grands espaces qu’il se
détend !
Écoutez ma parole jeunes gens !!
Puis, il ajuste son par-dessus, et s’éloigne sans se retourner.
CALVIN
ARMSTRONG (Le suit du regard, interloqué.)
Tu le connais cet illuminé ?
Aaron hausse les épaules et reprend le fil de ses idées.
Si tu savais !!