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Personne ne les a vus venir lorsque la porte de la librai-
rie s’est ouverte, laissant le passage à deux types cagou-
lés, armés de mitraillettes. Ils ont gueulé des ordres avec
un fort accent calabrais, le même que Marco son ami le
journaliste sicilien, qui lui avait donné toutes les infor-
mations concernant ses enquêtes sur « la pieuvre ».
Sans lui et son investissement personnel, l’auteur,
Alexandre Duparc, ne serait pas dans cette librairie du
Quartier latin en pleine séance de signature de son nou-
veau roman sur la Mafia.
Ni lui ni personne n’a encore réalisé la situation, sauf
le libraire qui voit toute la scène depuis le comptoir si-
tué juste en face de la porte d’entrée. Nerveusement, il
referme son tiroir- caisse, pendant qu’un jeune homme
pressé se dirige vers le fond du magasin pour faire dé-
dicacer son livre.
Assis derrière une grande table où sont posés les exem-
plaires de son nouveau roman, Alexandre commençait à
recevoir ses premiers lecteurs. Il a toujours le mot gentil,
avec son stylo à plume et son écriture appliquée faite de
pleins et de déliés. Il rédige des paroles simples et per-
sonnalisées afin que chacun emporte avec lui le souve-
nir de cette journée particulière. Il aime cette proximi-
té partagée, cette rencontre avec les gens et par-dessus
tout la liberté de leurs propos, leurs ressentis et la per-
tinence de leurs remarques sur ses romans.