inhabituel de la proposition, j’hésitai un instant et me décidai
à partir.
Arrivé sur le seuil de la maison, je sentis une main se
poser sur mon épaule. En me retournant, mes yeux
rencontrèrent le regard du marchand. Ce n'était plus un
commerçant, seulement un vieil homme qui voulait parler...
Un peu honteux de ma première réaction, j’esquissai un geste
d’excuse et pris place sur l'une des chaises que mon hôte me
désignait. S'emparant fébrilement d'un torchon, le vieil
homme essuya nerveusement la table. Il fouilla dans ses
affaires, revint avec un petit paquet de biscuits, l'ouvrit et le
posa devant moi. L’homme se cala sur une chaise en face de
moi et s'éclaircit la gorge :
« Je me nomme Sum-pa Jigme. Et vous ?… »
Le marchand me tendait la main par-dessus la table
avec un franc sourire. Désarmé par la simplicité de cet
homme, je la lui serrai sans plus réfléchir.
« Philippe Mandin...
- Vous êtes Français ? Belge ?...
- Français, je viens de Paris.
- Ah, Paris... Qu'est-ce qui vous amène ici ?...
- Je suis reporter, j'écris des récits de voyage… »
Le vieil homme prit un gâteau, je l’imitai à son
invitation. Quelques secondes de silence passèrent pendant
que nous mangions ce qui me paraissait être d’agréables
sablés parfumés à la cannelle. Ne sachant comment
poursuivre la conversation, Sum-pa Jigme se leva et se
dirigea vers le réchaud. Ayant dégagé le fouillis qui s'y
trouvait, il posa une casserole d'eau sur l'une des plaques
électriques. Sum-pa Jigme alluma le réchaud et revint vers
moi.
« J'ai plus de quatre-vingts ans... On ne le croirait pas,
hein ?... L'air de nos montagnes est le meilleur du monde...
- Vous avez effectivement l’air d’être très bien conservé...
Votre anglais est parfait, où l'avez-vous appris?
- Oh, mon jeune ami, c'est une longue histoire... Je suis né ici
et y ai vécu les vingt premières années de ma vie. Je suis
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