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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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dernière pièce tout aussi grande, qui devint peu à peu le 
bureau de Jack, ou plutôt sa bibliothèque personnelle.

Au-dessus de ces trois pièces en enfilade, un couloir 

formant une sorte de mezzanine courait de pièce en pièce, 
à presque trois mètres du sol du rez-de-chaussée. Lors de 
la visite, on leur avait expliqué que ces pièces à l’étage, 
de taille beaucoup plus modeste que les autres, étaient à 
l’origine  de  petits  bureaux  de  direction  surplombant  le 
vaste  atelier  de  confection  qui  avait  tourné  là  pendant 
presque un siècle. Les patrons pouvaient ainsi surveil-
ler les ouvrières depuis ces locaux. Ils choisirent de tout 
transformer en cassant la plupart des cloisons pour y 
installer leur chambre, une chambre d’amis et une salle 
de bains.

Plusieurs escaliers reliaient chaque grande pièce de la 

partie haute à la partie basse. Ils étaient un peu raides, et 
parmi les travaux à réaliser plus tard, Jack et Lydie envi-
sageaient d’en créer un en colimaçon dans le salon. En 
attendant,  comme  personne  d’autre  qu’eux  deux  n’était 
censé  emprunter  ces  vieux  machins  métalliques  qui 
ressemblaient presque à des échelles, ils avaient reporté 
ce projet. Le jour où ils s’étaient mis d’accord là-dessus, 
ils avaient l’un et l’autre ressenti une gêne, mais aucun 
n’avait osé en parler. La seule personne qui aurait pu être 
ennuyée par ces escaliers était un enfant. Il y avait eu un 
silence triste, puis ils avaient changé de sujet.

Ce loft représentait un investissement colossal en 

temps et en argent pour eux deux. L’achat et les travaux 

Ils restèrent longtemps l’un contre l’autre au milieu de 
l’énorme volume blanc de l’atelier. Un buste trônait sur 
une table de bois, et une toile gigantesque constellée de 
grandes lignes noires dessinant une immense figure allon-
gée occupait tout un mur. La lumière était presque aveu-
glante, Jack manœuvra à nouveau le variateur et baissa 
l’intensité jusqu’à obtenir une pénombre reposante.

Leur habitat précédent était bien plus classique. Une 

maison avec un jardin où Lydie travaillait dans le garage, 
toujours gênée par le manque de lumière et d’espace. Elle 
avait été construite en dépit du bon sens, en tout cas de 
leur point de vue : trop de chambres, un petit salon et 
aucune pièce à transformer en atelier. Ils avaient passé les 
années précédentes à vouloir en partir. Ils y avaient vécu 
comme dans un hôtel, ou dans une de ces maisons dont 
on héritait, pleines de meubles et d’objets qui n’avaient 
rien à voir avec votre vie.

Le  loft  revêtait  une  importance  différente  pour  eux, 

c’était un rêve réalisé et il était parfait pour eux. Dans un 
bâtiment industriel désaffecté au bord d’un quartier rési-
dentiel et tranquille de Boston, entièrement composé de 
grandes pièces lumineuses, il réunissait tous les critères 
dont ils avaient rêvé. Pour Lydie, un atelier sous une 
immense verrière orientée plein sud où elle pouvait ainsi 
travailler à la lumière naturelle toute une partie de l’an-
née.  Ils  disposaient  par  ailleurs  d’un  magnifique  salon, 
qui  était  en  fait  la  même  pièce  en  enfilade,  puis  d’une 

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