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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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— Qu’est-ce que vous voulez savoir ? Qu’est-ce que 

vous cherchez à la fin ?

— Avant ma première visite ici, il s’est passé des 

choses, dans cette chambre.

Il ne posait pas de questions, il affirmait, et il lui intima 

du regard de poursuivre sa phrase.

— Oui.
— Que s’est-il passé ?
— Je ne sais pas, je n’étais pas de service cette nuit-là. 

Je ne sais rien, on me l’a raconté…

— Eh bien, racontez-moi à votre tour.
— Écoutez,  vous  savez  déjà  tout.  Spencer  vous  a 

raconté qu’il s’était passé des choses pas claires ici, 
voilà tout…

— Spencer, c’est le gars qui fume tout le temps en bas, 

c’est ça ?

— Oui.
— Il dit que tout le monde est un peu particulier ici, 

c’est vrai ?

— Je ne suis pas folle, si c’est ce que vous entendez 

par là. Moi, je ne me suis jamais évanouie devant Stanton, 
enfin, je veux dire Mike.

— C’est votre critère pour juger de la santé mentale 

des gens ? L’évanouissement ? C’est un peu particulier. 
Vous voulez dire que je suis fou ?

Sans même s’en rendre compte, Jack se leva et domina 

la pauvre femme de toute sa hauteur.

il le faisait parfois, lui qui, le reste du temps, s’ingéniait à 
paraître froid et distant, plus froid et distant encore qu’un 
militaire de haut rang. Les dérèglements du comporte-
ment de Morgan étaient autant mystérieux que les visions 
et les crises qui entouraient Mike. Ils apparaissaient d’ail-
leurs toujours à peu près en même temps, les provocations 
de Morgan ayant souvent lieu après une crise, comme 
un effet collatéral. « Effet collatéral »… Jack repensa à 
la  carrière  brisée  du  soldat  Morgan,  aux  horreurs  qu’il 
semblait avoir subies, là-bas, dans le désert.

L’esprit de Jack se mit à gambader dans les dunes et 

piqua du nez, jusqu’à s’endormir un temps, engourdi dans 
l’air humide et froid qui stagnait dans la pièce. Il resta 
ainsi  une  heure,  jusqu’à  ce  que  l’infirmière  qu’il  avait 
presque renversée auparavant le réveille. Elle le remua 
sans ménagements.

— Mais qu’est-ce que vous faites ici ? Vous n’avez rien 

à faire là !

Jack eut d’abord envie de se justifier mollement, comme 

l’aurait fait n’importe qui se retrouvant endormi dans une 
chambre qui n’est pas la sienne, mais il reprit ses esprits 
en une fraction de seconde et dit sur un ton dur en fixant 
la bonne femme par en dessous :

— Je  cherche.  Je  cherche  à  comprendre  ce  qui  se 

passe ici.

Elle recula et quitta son air autoritaire. Jack ne se 

laissait plus avoir par l’hôpital et ses habitants. Ni elle ni 
Morgan n’auraient plus le dessus sur lui.

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