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Jean-DiDier

et si c’était DéJà écrit ?

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qu’elle avait acheté à la boulangerie française de la ville. 
Lydie avait pour habitude de servir un bon plat étranger 
tous les jours. Jack se dit que cet univers quasi parfait, 
cette maison, leur histoire, tout cela lui était précieux, 
et  qu’il  fallait  mettre  un  terme  à  quoi  que  ce  soit  qui 
pourrait le menacer.

— J’ai beaucoup réfléchi à tout ce qui m’est arrivé ces 

dernières semaines. Si je ne parviens pas à comprendre 
ce qui se passe, je n’irai plus voir ce type.

— Tu continues de penser qu’il est la cause de tout. Ce 

n’est pas une bonne chose. Si par malheur, tout ceci a une 
autre cause, tu seras bien avancé…

— Chérie, fais-moi confiance, je SAIS que tout vient 

de  là-bas.  J’en  suis  sûr.  Notre  maison  n’a  rien  à  voir 
là-dedans. Elle a son histoire, elle exerce peut-être son 
influence, mais moi, je m’y sens plutôt très bien, et je me 
sens très bien avec toi ici.

Il lui prit la main.
— Il n’y a pas de monde parfait, mais il n’y a pas de 

meilleur endroit pour nous deux aujourd’hui. Je le sens. 
Pour une fois que je dis que je sens quelque chose, fais-
moi confiance, s’il te plaît.

Lydie lui rendit son sourire. Il se leva et alla se changer 

en haut, puis revint auprès d’elle quelques instants pour la 
prendre dans ses bras. Elle portait une de ses salopettes 
couvertes de taches de peinture. Il la regarda en s’éloi-
gnant  et  la  trouva  belle.  Il  enfila  son  manteau,  vérifia 
le contenu de ses poches ainsi que celui de sa sacoche 

il gardait quelques certitudes. « Le loft n’y est pour rien, 
et nous y sommes très bien », se persuadait-il. Debout, 
en robe de chambre, presque appuyé sur la verrière haute 
comme trois hommes, il se sentait fort et à l’aise, chez lui.

Il passa la matinée à ranger de vieux papiers et à trai-

ter  des  questions  financières  ou  domestiques,  resta  de 
longues minutes au téléphone avec divers fournisseurs 
de  services,  maudissant  les  centres  d’appels  où  l’on 
ne  tombait  jamais  sur  la  même  personne  et  où  chaque 
intervenant semblait incapable de prendre la moindre 
initiative. Plusieurs de ces coups de fil furent des échecs 
complets, de pures pertes de temps en attentes idiotes 
accompagnées de publicités stupides. Mais Jack se 
sentait  d’une  patience  infinie  et  supporta  tout.  Après 
trois heures, il n’avait toujours pas pu changer leur abon-
nement à la télévision par câble, Lydie n’avait toujours 
pas de connexion Internet digne de ce nom et ils avaient 
toujours un tas de gravats dont ils ne savaient que faire, 
le  service  de  la  voirie  étant  incapable  de  leur  fixer  un 
rendez-vous.  Jack  raccrocha  finalement  pour  déjeuner 
avec Lydie. Il se dit qu’il avait retrouvé ses capacités 
normales à encaisser les petitesses de ses contemporains, 
qu’il allait bien, puisqu’il restait calme après avoir perdu 
tant de temps au téléphone.

Lydie leur avait préparé une soupe avec un morceau 

de potiron énorme qu’elle avait sorti de leur congéla-
teur. Il prenait de la place, selon elle. Ils mangèrent avec 
appétit, accompagnant la soupe de fromage et de pain 

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