L'indifférence et la passivité du personnage de Jeremy sont des sujets qui me semble-t-il ont été peu traités au cinéma, en tout cas peu traités "cinématographiquement", dans le sens où mon intention serait ici de traduire à l'écran les sentiments, ou plutôt l'absence de sentiments de ce personnage prostré et somnolent, qui a "choisi" de vivre à l'écart du monde, de façon léthargique (j'utilise des guillemets dans la mesure où le principe de "choix" est évidemment problématique, disons qu'on pourrait voir Jeremy comme un produit de la société occidentale moderne, société marquée notamment par le vide existentiel et la difficulté de donner un sens à sa propre expérience humaine). Jeremy n'a pas totalement tort quand, à la fin du film, il explique à son psy qu'il "va bien", en effet ce manque d'affectivité lui permet de ne jamais connaître des sentiments tels que la mélancolie et la tristesse. On pourrait dire qu'il souffre d'une forme de frustration existentielle, caractérisée par l'ennui et la mise à distance du monde. Le film sera donc marqué par un rythme contemplatif, au sens "antonionien" du terme : scènes étirées (beaucoup de plans longs, par exemple lors du trajet en voiture lorsque Jeremy observe le paysage), peu d'actions ou de dialogues. La mise à distance sera traduite par une image propre et léchée, ainsi que par des cadres et des mouvements de caméras soignés à l'extrême, qui permettront aux spectateurs de ressentir le confort de Jeremy (voire sa torpeur et son engourdissement). La musique, qui a une place importante dans la vie de Jeremy, en aura également une dans le film, par exemple lors de la scène du trajet vers le lycée (que j'ai toujours imaginé avec une chanson du groupe Tool intitulée "Eulogy") ou encore lorsque Jeremy observe la petite fille dans la salle d'attente du psy (j'avais pensé à une des "Nocturnes" de Chopin). En effet je n'ai absolument pas envie de présenter Jeremy comme un monstre mais au contraire comme quelqu'un de normal auquel les gens pourront s'identifier (il y aura par exemple quelques références à la culture populaire, cf. scène de masturbation). Tout ceci, ajouté au fait que Jeremy se présente comme quelqu'un de relativement cultivé, augmentera l'impact des explosions de violence, conséquences logiques de la dissolution des liens interpersonnels dans les affres de la pulsion de mort. La tentative de suicide finale est dès lors la conclusion inévitable de ce voyage au bout de l'ennui existentiel, image d'un désarroi ultime, le désarroi de celui qui n'a plus aucun repère.
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Jeremy est un adolescent solitaire, un peu rêveur, et on peut probablement le qualifier de dépressif (même s'il souffre surtout d'une forme extrême d'apathie). Il évite toute forme de communication (y compris avec ses parents et sa soeur). Il habite une petite ville de province (qui n'est pas clairement identifiée, plutôt dans le nord de la France, sur le littoral). Le film le suit donc à travers ses activités quotidiennes, à commencer par ses cours au lycée (il vient de rentrer en terminale) qui évidemment ne l'intéressent pas vraiment. Par exemple il a beaucoup de mal à répondre à ses professeurs quand ceux-ci lui demandent l'orientation qu'il a choisi pour son futur. Son incapacité à se concentrer est accentuée par des problèmes d'insomnies, insomnies durant lesquelles il aime se promener, la nuit, à travers les rues de sa ville. Lorsqu'il n'a pas envie d'aller en cours, il prend généralement le bus pour aller se balader dans une autre ville, plus grande et plus proche de chez lui (il va au cinéma, se promène près de la mer...etc). Il voit un psy toutes les semaines, mais ça ne semble pas lui apporter grand-chose. Lors d'une scène où son père le conduit à un de ses rendez-vous, on se rend compte que lui non plus ne fait pas vraiment d'effort pour communiquer avec son fils. Vers la fin du film, Jeremy a vaguement envie de tuer ses parents (sans doute par ennui). Il prévoit de faire la chose avec une sorte de couteau, mais il se fait voler ses affaires par deux voyous lors d'un trajet en bus. Durant le même trajet, les deux jeunes hommes s'amusent également à violer une adolescente, ce qui ne provoque quasiment aucune réaction de la part des autres passagers (et encore moins de Jeremy). Lorsque celui-ci rentre chez lui, il décide de se pendre dans le garage de sa maison, mais le câble qui lui servait de corde lâche. Il abandonne alors, et retourne dans le salon pour regarder la télévision avec sa soeur.
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